16 oct. 2010

Pour en finir avec la diabolisation de l'Iran et de son président

Je vous livre ici quelques extraits choisis d'un article paru dans La Revue Internationale et Stratégique n°70 (Eté 2008), écrit par Yakov M. Rabkin, professeur d'histoire à l'Université de Montréal.





La campagne contre l'Iran : le lobby sioniste et l'opinion juive

Deux accusation dominent dans le discours occidental sur l'Iran depuis quelques années. On accuse le président Mahmoud Ahmadinejad de nier la Shoah et de vouloir rayer de la carte l'État d'Israël. [...]

Cet article se propose de retracer les origines de ces accusations. [...] Les pressions auxquelles est soumis l'Iran se fondent largement sur les préoccupations affichées par le gouvernement américain concernant la sécurité d'Israël. Les deux accusations reflètent l'amalgame assez courant entre l'État d'Israël, d'une part, et les juifs, d'autre part, ainsi qu'entre l'antisémitisme et l'antisionisme. [...]

Les médias occidentaux, dont Le Monde daté du 27 octobre 2005, annoncent que le président iranien a déclaré qu' « Israël doit être rayé de la carte ». Or, les experts s'entendent pour dire que le président iranien, lors de son discours, n'a prononcé ni le mot « rayer », ni le mot « carte ». Il a plutôt repris l'une des déclarations de l'ayatollah Khomeyni : « Esrâ'il bâyad az sahneyeh roozégâr mahv shavad », ce qui signifie « Israël doit disparaître de la page du temps ». Nous avons puisé cette phrase dans un site Internet de l'opposition iranienne à l'étranger qu'on ne peut pas soupçonner de vouloir enjoliver les paroles du président. [...]

Pourtant, selon les propos du ministre des Affaires étrangères iranien, M. Manouchehr Mouttaki (tels que le rapporte un autre site de l'opposition au régime actuel en Iran), son pays « ne projette de détruire aucune nation, ni aucun pays ». Il ajoute que « tout enfant allant à l'école sait qu'il est impossible de rayer un pays de la carte ». L'agence de presse iranienne officielle IRNA indique que M. Ahmadinejad « a appelé à la nécessité de résoudre les problème mondiaux, notamment le problème palestinien, au moyen du dialogue ». Sur les ondes du réseau ABC News, il appelle à résoudre la situation en Palestine en conformité avec la charte des Nations Unies et à laisser aux Palestiniens le droit de décider de leur avenir en proposant de tenir « un référendum basé sur le droit international, auquel participeraient tous les Palestiniens, musulmans et juifs ». Dans la même interview, Ahmadinejad réitère son affirmation selon laquelle « nous nous efforçons d'éviter tout conflit ou effusion de sang. Étant opposé aux conflits de toute nature, nous avons souvent répété que l'on peut résoudre les problèmes du monde par le recours au dialogue, à la logique et à l'amitié. Il n'y a nul besoin d'utiliser la force. »

Curieusement, alors que certaines positions de M. Ahmadinejad font la une des quotidiens, on accorde peu d'attentions aux propos de l'ayatollah Khamenei, qui détient le véritable pouvoir en Iran et qui a déclaré que son pays appelait à la normalisation des relations avec Israël si celui-ci acceptait la proposition dite des deux États formulés par la Ligue arabe en 2002, puis de nouveau en 2007.

Par ailleurs, la fameuse phrase prononcée par M. Ahmadinejad s'inscrit dans une série de comparaisons historiques. Selon l'Associated Press, le président iranien a déclaré également : « Le régime sioniste sera bientôt effacé, de la même façon que l'a été l'Union Soviétique, et l'humanité sera libre. » En réalité, il s'attend à ce qu'Israël se désagrège pacifiquement, sous le poids de ses contradictions internes, comme cela a été le cas de l'URSS, dont le déclin a été pacifique. Comme la disparition de l'Union soviétique n'est pas attribuable à l'utilisation de l'arme nucléaire, le président iranien ne propose pas d'utiliser la force armée pour précipiter la fin de l'État d'Israël. De toute façon, cela ne serait guère sérieux, car on estime qu'Israël bénéficie d'une supériorité militaire incontestable dans la région. M. Ahmadinejad prévoit que, de même que le communisme a perdu sa légitimité et s'est évanoui, le sionisme disparaîtra un jour. Dans le même discours, il mentionne d'autres phénomènes historiques, comme la chute du régime du Shah, ou encore la disparition des pharaons d'Égypte, marquant la fin de régimes qui apparaissaient alors comme invincibles et éternels. Si le communisme en URSS et le régime du Shah ont disparu sans que la Russie et l'Iran aient été rayés de la face de la Terre, argue M. Ahmadinejad, il en ira de même du sionisme : sa disparition n'est pas synonyme de la destruction de l'État d'Israël ni du peuple juif. [...]

Même quand les militants sionistes de la campagne contre l'Iran ont abandonné l'allégation basée sur la fausse traduction et décriée par l'ambassadeur iranien aux Nations Unies sur les ondes de CNN, presque tous les membres du Congrès des États-Unis (411 en tout) ont condamné le président iranien pour « avoir voulu inciter au massacre massif des juifs d'Israël ». Le démocrate Steve Rothman maintenait, à l'été 2007, que l'Iran avait menacé « de rayer Israël de la carte ». Shimon Peres, actuel président de l'État d'Israël et lauréat du prix Nobel pour la paix, avertissait que « l'Iran aussi pourrait être rayé de la carte ».

[...] La dernière attaque de l'Iran contre un autre pays remontre à plus de trois siècles. [...]

Le lobby israélien a joué un rôle important dans la campagne de propagande contre l'Iran. Lors du congrès qui s'est tenu au printemps 2006, l'AIPAC (American Israel Public Affairs Commitee) fait de l'Iran sa cible principale et présente sur écran géant un montage juxtaposant Hitler dénonçant les juifs et le président iranien menaçant de « rayer Israël de la carte ». Le spectacle se termine par un fondu sur la maxime énoncée après la Shoah « Never again ! » (Plus jamais ça !). Au fil des mois, ces images sont devenues courantes.

Le JCPA fait la promotion de la campagne contre l'Iran à partir d'Israël et des États-Unis. En décembre 2006, il organise une conférence de presse dans laquelle on propose d'inculper le président iranien pour avoir menacé de commettre un massacre. Deux avocats, l'Américain Alain Derschowitz et le Canadien Irwin Ctoler, connus les pour les liens qu'ils entretiennent avec la droite israélienne, sont présent et soutiennent l'inculpation. Plus tard, Cotler a renforcé l'accusation en recourant à l'association B'nai B'rith Canada ; celle-ci a exigé que le Canada et d'autres gouvernements intentent une poursuite contre l'Iran pour avoir violé la convention des Nations Unies sur le génocide.

Mais c'est l'Israel Project, groupe appartenant au lobby israélien et ayant son siège au Hudson Institute à Washington, qui met au point la manœuvre la plus impressionnante pour intensifier la campagne contre l'Iran. En mars 2007, le groupe a distribué un kit de presse sur l'Iran à plus de 17 000 journalistes professionnels et à 40 000 militants pro-israéliens aux États-Unis. En outre, le bureau d'Israel Project à Jérusalem a distribué la trousse à plus de 400 journalistes étrangers accrédités en Israël. Ce dossier de presse réaffirme que le président iranien « nie la Shoah » et « veut rayer Israël de la carte ». [...]



Ajout du 24 février 2011 : une vidéo faite par Égalité et Réconciliation, montrant la reprise de la fameuse phrase "rayer Israël de la carte" dans nos médias.




Enfin, je vous recommande cette excellente interview de Thierry Meyssan sur la Révolution islamique d'Iran.


19 sept. 2010

2012 : la prochaine guerre mondiale débutera-t-elle en Iran ?

L'Iran est régulièrement diabolisé ces derniers temps, dans les médias occidentaux. Dernière offensive en date : la pétition "pour" Sakineh...

Quand les médias occidentaux diabolisent, les bruits de bottes ne sont jamais bien loin. Ben Laden et le Mollah Omar ont servis d'épouvantails pour justifier l'invasion de l'Afghanistan. Sadam Hussein et ses armes de destruction massive ont joué le même rôle pour l'invasion de l'Irak.

Ces dernières années, les médias occidentaux ont présenté le président iranien Mahmoud Ahmadinejad comme quelqu'un d'antisémite. Ils répètent régulièrement que ce dernier souhaite rayer Israël de la carte (je reviendrai sur cette accusation mensongère). Le message sous-jacent est qu'il faut absolument empêcher l'Iran d'accéder au nucléaire, s'il le faut en employant la force armée.

Nos dirigeants m'inquiètent de plus en plus, car ils entrainent nos "démocraties" dans des conflits de plus en plus dangereux pour la stabilité régionale, et la paix mondiale... Pour quel bénéfice ???





Ce documentaire (Le Dessous des Cartes : "bombarder l'Iran ?", sur Arte), très bien réalisé, met en relief l'ambition d'Israël dans la région, et projette le spectre d'une guerre régionale pouvant dégénérer en un conflit mondial et/ou nucléaire...

Dans la seconde vidéo, un reportage Argentin nous renseigne sur les actuels mouvements de troupes autour de l'Iran. Puis Fidel Castro mets en garde ses ambassadeurs sur la menace d'une 3ème guerre mondiale, possible conflit nucléaire.


Fidel Castro et la troisième guerre mondiale nucléaire
envoyé par wesh. - L'info video en direct.


Enfin, dans un article publié récemment sur le site du Monde.fr, on apprend que les USA ont signé le plus gros contrat d'armement de l'histoire avec l'Arabie Saoudite, leurs plus anciens alliés dans la région (60 milliards de dollars).

3 juin 2010

Israël et la propagande

Et ça continue... Israël essaie de nous faire croire que la flottille internationale était en fait composée de dangereux terroristes ; elle a publié des photos montrant des armes blanches, gilets pares-balles, lacrymos, soit disant saisies à bord...

Sauf que la majorité de ces photos ne datent pas de 2010 :

http://www.agoravox.fr/actualites/international/article/les-preuves-truquees-d-israel-75854


Bien entendu, la propagande est loin d'être utilisée seulement par Israël. A ce sujet, je vous recommande le n°78 de la Revenue Internationale et Stratégique, dont le dossier principal (les médias peuvent-ils changer la politique internationale ?) est éclairant, en particulier l'article « Etats-Unis, Israël, Chine : quand la désinformation se mondialise »

Sur le terme même « propagande », voici une vidéo dans laquelle témoigne Edward Bernays, neveu de Freud, qui a transformé la propagande (trop connotée négativement selon lui) en « Relations Publiques » après la deuxième guerre mondiale. C'est sûr que ça fait plus « clean »...



Propaganda- Edward Bernays_1/2
envoyé par tchels0o. - Regardez les vidéos des stars du web.

Israël contre le monde

Capture d'image de la télévision turque
J'étais, comme beaucoup, choqué lundi dernier par l'autisme de l'état d'Israël, qui n'a pas hésité une seule seconde à utiliser la force pour stopper en mer (dans les eaux internationales !!) un convoi humanitaire à destination de Gaza. Bilan : 9 morts et des dizaines de blessés.

Zoabi, député arabe israélienne

Aujourd'hui, au parlement israélien (la Knesset), une député arabe israélienne présente sur l'un des bateaux s'est faite prendre à partie par une député de droite : « Va à Gaza, espèce de traître ».

« Je n'ai pas l'intention de museler la liberté d'expression, mais il ne s'agit pas ici de liberté d'expression : la flottille pour Gaza était une flottille terroriste, et la députée Zoabi doit être punie. Nous n'avons pas besoin de chevaux de Troie à la Knesset ».

Je ferais juste une remarque : peu après 15 heures ce mercredi, un porte-parole de l'administration pénitentiaire israélienne a annoncé que tous les détenus de la flottille internationale pour Gaza avaient été libérés et devraient regagner leur pays d'origine dans la soirée.

Ils sont finalement très très indulgents avec la flottille "terroriste"...

Ah, propagande, quand tu nous tiens !!!

Au fait, justement, qu'est-ce que le terrorisme... d'état ? Simplement l'emploi de la force armée contre des civils, et c'est précisément ce que vient de faire Israël. Qui plus est dans les eaux internationales, on peut donc parler de piraterie.

N'oublions pas qu'il y a eu des morts, et qu'Israël essaie de retourner la situation à son avantage par la rhétorique pure.

N'oublions pas que ce genre d'incident grave a souvent provoqué des guerres, parfois mondiales.



13 mai 2010

Citations de David Rockefeller

Voici quelques citations du jour, toutes de David Rockfeller, sur le Nouvel Ordre Mondial :



« Nous sommes reconnaissants au Washington Post, au New York Times, Time Magazine et d’autres grandes publications dont les directeurs ont assisté à nos réunions et respecté leurs promesses de discrétion depuis presque 40 ans. Il nous aurait été impossible de développer nos plans pour le monde si nous avions été assujettis à l’exposition publique durant toutes ces années. Mais le monde est maintenant plus sophistiqué et préparé à entrer dans un gouvernement mondial. La souveraineté supranationale d’une élite intellectuelle et de banquiers mondiaux est assurément préférable à l’autodétermination nationale pratiquée dans les siècles passés. »
(citation sujette à caution)
Discours à la Commission Trilatérale, juin 1991, Baden Baden, dans Matrix of Power: How the World Has Been Controlled by Powerful Men Without Your Knowledge, paru en 2000


« Quelque chose doit remplacer les gouvernements, et le pouvoir privé me semble l’entité adéquate pour le faire. »
Interview dans Newseek en février 1999


« Quelques-uns croient même que nous (la famille Rockefeller) faisons partie d’une cabale secrète travaillant contre les meilleurs intérêts des É-U, caractérisant ma famille et moi en tant qu’internationalistes et conspirant avec d’autres autour de la Terre pour construire une politique globale plus intégrée ainsi qu’une structure économique – un seul monde si vous voulez. Si cela est l'accusation, je suis coupable et fier de l’être. »
Memoirs, David Rockefeller, éd. Random House; 1st Trade Ed edition, October 15, 2002 (ISBN 978-0679405887), p. 405


« Nous sommes à la veille d’une transformation globale. Tout ce dont nous avons besoin est la bonne crise majeure, et les nations vont accepter le Nouvel Ordre Mondial. »
(citation sujette à caution)

13 avr. 2010

Les stocks d'or nationaux

Pierre Jovanovic
Succédant à la Livre Sterling, le Dollar est aujourd'hui LA monnaie des échanges internationaux. Mais ce n'est certainement pas un placement sans risque, contrairement à l'or.

L'or justement, et les stocks d'or nationaux, il en est question justement dans la vidéo qui suit : Laurent et Pierre Jovanovic sur Radio Ici et Maintenant





Paroles d'experts

Je ne peux décemment pas mettre en ligne le dossier complet DE L'ETAT PROVIDENCE A L'ETAT MANAGER, qui fait suite à l'édito de Serge Halimi publié dans Le Monde Diplomatique n°669 et que je relatais dans mon précédent message... Mais je ne peux résister à l'envie de vous restituer les citations imprimées en bordure de page du journal !

Ah... Le copier / coller... C'est sûrement une déformation professionnelle ;-) Bon, même s'il y a moins de vidéo et plus de texte, il y a encore peu d'expression personnelle ici. Enfin, sur un sujet aussi pointu que l'économie, mieux vaut écouter quelques...


PAROLES D’EXPERTS


David D. Friedman, économiste

« Tout ce que font les gouvernements se divise en deux catégorie : des tâches que nous pouvons dès aujourd’hui leur enlever, et des tâches que nous espérons leur enlever demain. »

The Machinery of Freedom : Guide to a Radical Capitalism, Open Court Publishing Company, Chicago, 1989.



Philippe Manière, directeur de l’Institut Montaigne, Paris

« Les Etats sont comme des pompiers qui doivent éteindre les incendies puis rentrer dans leurs casernes. »

Cité par Eric Dupin dans Le Monde diplomatique, février 2009



Milton Friedman, économiste.

« Rares sont les règles permettant de renverser cette tyrannie de l’immobilisme. Il en est une, claire, à tout le moins : s’il faut privatiser ou élaguer une activité publique, faites-le complètement. Ne recherchez pas un compromis grâce à une privatisation partielle ou à une réduction partielle du contrôle étatique. Semblable stratégie revient tout simplement à laisser dans la place un quarteron d’adversaires déterminés qui travailleront avec diligence (et souvent avec succès) à renverser la vapeur. »

Le Monde, 20 juillet 1999.

(Note Du Blogueur / NDB : nous reviendrons sur ce Milton Friedman, théoricien influent du néolibéralisme)



James Carter, président des Etats-Unis

« Il y a des limites à ce que l’Etat peut faire. Il ne peut pas résoudre nos problèmes. Il ne peut pas fixer nos objectifs. Il ne peut pas définir notre vision. Il ne peut pas éliminer la pauvreté ou assurer l’abondance ou réduire l’inflation. Il ne peut pas sauver nos villes, lutter contre l’analphabétisme ou nous procurer de l’énergie. »

Discours sur l’état de l’Union, 19 janvier 1978.



Roger Douglas, premier ministre de la Nouvelle-Zélande.

N’essayez pas d’avancer pas à pas. Définissez clairement vos objectifs et rapprochez-vous-en par grands bonds qualitatifs. (…) Une fois que le programme de réformes commence à être mis en œuvre, ne vous arrêtez qu’après l’avoir mené à terme : le feu de vos adversaires est moins précis quand il doit viser une cible qui ne cesse de bouger. »

Cité par Serge Halimi, Le Grand Bond en arrière, Fayard, Paris, 2006.



Olivier Mazerolle, directeur de l’information de RTL, à propos des mauvais résultats des athlètes français lors des Jeux olympiques

« Les Français ne sont pas sportifs parce que nous avons l’habitude de l’Etat-providence. »

France 2, 26 février 1994.



Denis Kessler, vice-président du Mouvement des entreprises de France (Medef)

« Le modèle social français est le pur produit du Conseil national de la Résistance. (…) Il est grand temps de le réformer, et le gouvernement s’y emploie. Les annonces successives des différentes réformes par le gouvernement peuvent donner une impression de patchwork, tant elles paraissent variées, d’importance inégale et de portées diverses : statut de la fonction publique, régimes spéciaux de retraite, refonte de la Sécurité sociale, paritarisme… A y regarder de plus près, on constate qu’il y a une profonde unité à ce programme ambitieux. La liste des réformes ? C’est simple, prenez tout ce qui a été mis en place entre 1944 et 1952, sans exception. Elle est là. Il s’agit aujourd’hui de sortir de 1945, et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance ! »

Challenge, 4 octobre 2007.



Henri Dorgères, député d’Ille-et-Vilaine de 1956 à 1958, fondateur du mouvement fasciste des Chemises vertes

« Le fonctionnaire, voilà l’ennemi ! »

Révolution paysanne, éditions Jean-Renard, Paris, 1943.



Vincent Bénard, président de l’Institut Hayek, Bruxelles

« En voulant accélérer artificiellement ce que l’économie libre accomplissait à son rythme, c’est l’Etat, tantôt régulateur, tantôt législateur, qui a poussé à l’irresponsabilité les acteurs de la chaîne du crédit, provoqué une crise financière grave, et acculé à la faillite nombre de faillite qu’il prétendait aider. »

Le Figaro, 9 septembre 2008.


12 avr. 2010

Une dette providentielle, par Serge Halimi

L'article que je vous présente aujourd'hui est issu de l'excellent mensuel Le Monde Diplomatique (n°669 - Décembre 2009). Il a d'ailleurs été écrit par le rédacteur en chef du journal, Serge Halimi, dont j'apprécie particulièrement les tribunes réalistes, sans concession.




UNE DETTE PROVIDENTIELLE...

Grâce à des injections plantureuses d’argent public, les banques ont retrouvé leurs couleurs. Elles émergent même de la crise financière plus grosses et plus puissantes qu’avant. Et donc plus susceptibles encore de prendre les Etats « en otage » lors de la prochaine tempête. C’est le moment que les gouvernements occidentaux et les banques centrales ont choisi pour sonner à nouveau le tocsin contre la dette.

Astucieusement mis entre parenthèses tant qu’il fallait débourser des montants dépassant l’entendement pour sauver Goldman Sachs, la Deutsche Bank ou BNP Paribas, le spectre de la faillite resurgit afin, cette fois, de hâter l’invasion des logiques de rentabilité commerciale dans les activités qui en étaient préservées. Alourdi par la panne économique, le poids de l’endettement sert une fois de plus de prétexte au démantèlement de la protection sociale et des services publics. On prédisait, il y a un an, le coma des libéraux ; ils trouvent dans l’annonce répétée que « les caisses sont vides » l’instrument de leur résurrection politique.

Ils ne vont pas ralentir l’allure. La nouvelle coalition au pouvoir à Berlin a promis 24 milliards d’euros supplémentaires d’allègement d’impôts, alors que le déficit allemand atteindra déjà prêt de 6,5% du produit intérieur brut l’an prochain (plus de deux fois le taux maximum autorisé par le pacte de stabilité et de croissance de l’Union européenne). Les conservateurs britanniques se sont engagés à diminuer l’impôt sur les sociétés. Et, en France, depuis l’élection de M. Nicolas Sarkozy, la droite a successivement supprimé l’imposition des heures supplémentaires, dressé un « bouclier fiscal » autour des revenus du capital, réduit les droits de succession et décidé d’éliminer la taxe professionnelle acquittée par les entreprises.

Jadis, les conservateurs se montraient soucieux de comptes en équilibre, au point de consentir à des hausses d’impôts. Depuis près de trente ans, au contraire, les déficits publics sont leur création consciente, destinée à paralyser les velléités d’intervention de la collectivité. Une pratique laxiste, qui ampute les recettes, se double d’un discours catastrophiste permettant de refouler les dépenses de l’Etat-providence.

« Reagan a prouvé que les déficits ne comptaient pas », répliqua en 2002 le vice-président américain Richard « Dick » Cheney à son ministre des finances qu’inquiétait une nouvelle baisse des impôts directs. M. Cheney entendait par là que les déficits ne nuisent pas forcément à celui qui les décide, puisque Ronald Reagan fut largement réélu en 1984 après avoir triplé ceux-ci au cours de son premier mandat. Mais la contrainte budgétaire pèse plus lourd sur les successeurs, surtout quand on les soupçonne d’être prodigues au seul motif qu’ils ne sont pas de droite… Ainsi, pour avoir la moindre chance de faire adopter sa réforme du système de santé, M. Barack Obama a dû préalablement s’engager à ce qu’elle n’ajoute pas un cent au niveau de la dette publique. Quand, au juste, fixe-t-on ce genre de condition aux aventures militaires ?

En divisant par trois le montant de la TVA reversée par les cafetiers et restaurateurs, le gouvernement français a récemment sacrifié 2,4 milliards d’euros de recettes. Quelques semaines plus tard, au prétexte d’« équité », il a récupéré 150 millions d’euros en fiscalisant les indemnités journalières versées aux victimes d’un accident du travail. Bien qu’il montre d’excellentes dispositions en la matière, il lui reste du chemin à faire avant d’égaler Reagan. Car l’ancien président rendit beaucoup plus doux les impôts des plus riches, puis, parce qu’il fallait réduire les déficits (qu’il venait de creuser), il demanda aux cantines scolaires de comptabiliser le ketchup comme un légume, lorsqu’elles apprécieraient la valeur nutritionnelle des repas qu’elles servaient aux élèves…

C’est en Californie, l’Etat dont Reagan fut gouverneur, que démarra en 1978 la contrerévolution discale qui ensuite balaya le monde. Là-bas, les caisses sont aujourd’hui tout à fait vides (le déficit, chronique depuis une décennie, y atteint 26 milliards de dollars). Jeudi 19 novembre dernier, l’université publique a donc relevé ses droits d’inscription de 32%. Précédemment, elle venait de supprimer deux mille emplois.

9 avr. 2010

Dans la tête d'un banquier, par Pierre Bourdieu

L'article que je vous présente maintenant a été publié dans le même magazine que l'article précédent (Manière de voir n°102). Il s'agit en fait d'une conférence donnée en 1996 par le sociologue Pierre Bourdieu aux rencontres culturelles franco-allemandes, qui se sont tenues à Fribourg cette année-là.

Il y est sujet de Banque centrale, et de réduction de dette publique.



DANS LA TÊTE D'UN BANQUIER

Ayant lu dans l'avion un entretien du président de la Banque centrale allemande (Bundesbank), M. Hans Tietmeyer, présenté comme le « grand prêtre du deutschemark » – ni plus ni moins –, je voudrais me livrer à cette sorte d’analyse herméneutique qui convient aux textes sacrés : « L’enjeu aujourd’hui, c’est de créer les conditions favorables à une croissance durable et à – le mot clé – la confiance des investisseurs. Il faut donc contrôler les budgets publics. »

C’est-à-dire – il sera plus explicite dans les phrases suivantes – enterrer le plus vite possible l’Etat social et, entre autres choses, ses politiques sociales et culturelles dispendieuses, pour rassurer les investisseurs qui aimeraient mieux se charger eux-mêmes de leurs investissements culturels. Je suis sûr qu’ils aiment tous la musique romantique et la peinture impressionniste, et je suis persuadé, sans rien savoir sur le président de la Banque centrale allemande, que, à ses heures perdues, comme le directeur de la Banque de France, M. Jean-Claude Trichet, il lit la poésie et pratique le mécénat.

« Il faut donc, dit-il, contrôler les budgets publics, baisser le niveau des taxes et impôts jusqu’à leur donner un niveau supportable à long terme. »

Entendez : baisser le niveau des taxes et impôts des investisseurs jusqu’à les rendre supportables à long terme par ces mêmes investisseurs, évitant ainsi de les encourager à porter ailleurs leurs investissements. Continuons la lecture :

« Il faut (…) réformer le système de protection sociale. » C'est-à-dire, bis repetita, enterrer l’Etat-providence et ses politiques de protection sociale, bien faites pour ruiner la confiance des investisseurs, susciter leur méfiance légitime, certains qu’ils sont en effet que leurs acquis économiques – on parle d’acquis sociaux, on peut bien parler d’acquis économiques –, c’est-à-dire leurs capitaux, ne sont pas compatibles avec les acquis sociaux des travailleurs, et que ces acquis économiques doivent évidemment être sauvegardés à tout prix, fût-ce en ruinant les maigres acquis économiques et sociaux de la grande majorité des citoyens de l’Europe à venir, ceux que l’on a beaucoup désignés en décembre 1995 comme de « nantis », des « privilégiés ».

M. Hans Tietmeyer est convaincu que les acquis sociaux des investisseurs, autrement dit leurs acquis économiques, ne survivraient pas à une perpétuation du système de protection sociale. C’est ce système qu’il faut donc réformer d’urgence, parce que les acquis économiques des investisseurs ne sauraient attendre. Et M. Hans Tietmeyer, penseur de haute volée, qui s’inscrit dans la grande lignée de la philosophie idéaliste allemande, poursuit : « Il faut donc contrôler les budgets publics, baisser le niveau des taxes et impôts jusqu’à leur donner un niveau supportable à long terme, réformer le système de protection sociale, démanteler les rigidités sur le marché du travail, de sorte qu’une – ce « de sorte » mériterait un long commentaire – nouvelle phase de croissance (…) ne sera atteinte à nouveau que si nous faisons un effort – le « nous faisons » est magnifique – de flexibilité sur le marché du travail. »

Ça y est. Les grands mots sont lâchés, et M. Hans Tietmeyer donne un magnifique exemple de la rhétorique euphémistique qui a cours sur les marchés financiers. L’euphémisme est indispensable pour susciter durablement la confiance des investisseurs – dont on aura compris qu’elle est l’alpha et l’omega de tout le système économique, le fondement et le but ultime, le telos, de l’Europe et de l’avenir –, tout en évitant de susciter la défiance ou le désespoir des travailleurs, avec qui, malgré tout, il faut aussi compter, si l’on veut avoir cette nouvelle phase de croissance qu’on leur fait miroiter, pour obtenir d’eux l’effort indispensable. Parce que c’est d’eux que cet effort est attendu, même si M. Hans Tietmeyer, décidément passé maître en euphémismes, dit bien : « Démanteler les rigidités sur le marché du travail, de sorte qu’une nouvelle phase de croissance ne sera atteinte à nouveau que si nous faisons un effort de flexibilité sur le marché du travail. » Splendide travail rhétorique, qui peut se traduire : Courage travailleurs ! Tous ensemble faisons l’effort de flexibilité qui vous est demandé !

Au lieu de poser, imperturbable, une question sur la parité extérieure de l’euro, le journaliste aurait pu demander à M. Hans Tietmeyer le sens qu’il donne aux mots-clés de la langue des investisseurs : « rigidité sur le marché du travail » et « flexibilité sur le marché du travail ». Les travailleurs, eux, entendraient immédiatement : travail de nuit, travail pendant les week-ends, horaires irréguliers, pression accrue, etc. (…)

Si un texte aussi extraordinaire, aussi extraordinairement extraordinaire, était exposé à passer inaperçu et à connaître le destin des écrits quotidiens de quotidiens, qui s’envolent comme des feuilles mortes, c’est qu’il était parfaitement ajusté à l’« horizon d’attente » de la grande majorité des lecteurs de quotidiens que nous sommes. Or cet horizon est le produit d’un travail social. Si les mots du discours de M. Hans Tietmeyer passent si facilement, c’est qu’ils ont cours partout. Ils sont partout, dans toutes les bouches. Ils courent comme monnaie courante, on les accepte sans hésiter, comme on fait d’une monnaie, d’une monnaie stable et forte, évidemment, aussi stable et aussi digne de confiance, de croyance, que le deutschemark : « Croissance durable », « confiance des investisseurs », « budgets publics », « système de protection sociale », « rigidité », « marché du travail », « flexibilité », à quoi il faudrait ajouter, « globalisation », « flexibilisation », « baisse des taux » – sans préciser lesquels – « compétitivité », « productivité », etc.

Cette croyance universelle, qui ne va pas du tout de soi, comment s’est elle répandue ? Un certain nombre de sociologues, britanniques et français notamment, dans une série de livres et d’articles, ont reconstruit la filière selon laquelle ont été produits et transmis ces discours néolibéraux qui sont devenus une doxa, une évidence indiscutable et indiscutée. Par toute une série d’analyses des textes, des lieux de publication, des caractéristiques des auteurs de ces discours, des colloques dans lesquels ils se réunissaient pour les produire, etc., ils ont monté comment, en Grande-Bretagne et en France, un travail constant a été fait, associant des intellectuels, des journalistes, des hommes d’affaires, dans des revues qui se sont peu à peu imposées comme légitimes, pour établir comme allant de soir une vision néolibérale qui, pour l’essentiel, habille de rationalisations économiques les présupposés les plus classiques de la pensée conservatrice de tous les temps et de tous les pays.

Ce discours d’allure économique ne peut circuler au-delà du cercle de ses promoteurs qu’avec la collaboration d’une foule de gens, hommes politiques, journalistes, simples citoyens qui ont une teinture d’économie suffisante pour pouvoir participer à la circulation généralisée des mots mal étalonnés d’une vulgate économique. Un exemple de cette collaboration, ce sont les questions du journaliste qui va en quelque sorte au devant des attentes de M. Hans Tietmeyer : Il est tellement imprégné par avance des réponses qu’il pourrait les produire.

C’est à travers de telles complicités passives qu’est venue peu à peu à s’imposer une vision dite « néolibérale », en fait conservatrice, reposant sur une foi d’un autre âge dans l’inévitabilité historique fondée sur le primat des forces productives. Et ce n’est pas par hasard si tant de gens de ma génération sont passés sans peine d’un fatalisme marxiste à un fatalisme néolibéral : dans les deux cas, l’économisme déresponsabilise et démobilise en annulant la politique et en imposant toute une série de fins indiscutées, la croissance maximum, l’impératif de compétitivité, l’impératif de productivité, et du même coup un idéal humain, que l’on pourrait appeler l’idéal FMI (Fonds monétaire international). On ne peut pas adopter la vision néolibérale sans accepter tout ce qui va de pair, l’art de vivre yuppie, le règne du calcul rationnel ou du cynisme, la course à l’argent instituée en modèle universel. Prendre pour maître à penser le président de la Banque centrale allemande, c’est accepter une telle philosophie.

Ce qui peut surprendre, c’est que ce message fataliste se donne les allures d’un message de libération, par toute une série de jeux lexicaux autour de l’idée de liberté, de libéralisation, de dérégulation, etc., par toute une série d’euphémisme, ou de double jeux avec les mots – réforme par exemple –, qui vise à présenter une restauration comme une révolution, selon une logique qui est celle de toutes les révolutions conservatrices. (…)

Revenons pour finir au mot-clé du discours de Hans Tietmeyer, la « confiance des marchés ». Il a le mérite de mettre en pleine lumière le choix historique devant lequel sont placés tous les pouvoirs : entre la confiance des marchés et la confiance du peuple, il faut choisir. La politique qui vise à garder la confiance des marchés perd la confiance du peuple. (…)

6 avr. 2010

Le dollar, « notre devise, votre problème », par Akram Belkaïd

Suite à la demande formulée par l'un d'entre vous, je me concentre cette semaine sur 2 sujets économiques : la dette de l'état, et l'émission de monnaie, sans me restreindre à la France.


Voici un article rédigé par Akram Belkaïd, et publié dans le magazine Manière de voir (n°102 – Décembre 2008 – Janvier 2009 : LE KRACH DU LIBÉRALISME).



LE DOLLAR, « NOTRE DEVISE, VOTRE PROBLÈME »

Après la perte d’influence définitive de la livre sterling au milieu du XXème siècle, le dollar américain est devenu la plus importante devise du système monétaire. Elle est utilisée dans 60% des transactions commerciales transfrontalières. En deuxième lieu, elle occupe une part prépondérante dans les coffres de toutes les banques centrales : près de 2730 milliards de dollars y reposent, soit 62,4% des réserves mondiales de change à la fin du premier semestre 2008. Le dollar est aussi la monnaie la plus traitée sur le marché des devises (65% des opérations sur le marché des changes). Fort logiquement, c’est aussi la plus contrefaite : on compterait 100 millions de faux dollars dans le monde.

Plusieurs facteurs expliquent cette prépondérance du billet vert. Il reflète d’abord l’importance de la première économie du monde. Mais aussi, et surtout, le fait que les États-Unis sont déliés de toute contrainte en matière de création de monnaie, ce qui leur permet d’inonder la planète de dollars. En effet, depuis le 15 août 1971, la devise américaine n’étant plus convertible en or, la création monétaire aux États-Unis n’est plus assujettie à la possession de stocks de métal jaune par la Réserve fédérale. En clair, l’Amérique peut créer autant de dollars qu’elle veut. Ce qui lui offre un avantage considérable par rapport aux autres pays : non seulement ces derniers constituent majoritairement leurs réserves en dollars (et non pas dans leur propre monnaie), mais ils sont obligés d’utiliser le billet vert dans tous leurs échanges financiers avec les États-Unis.

En son temps déjà, lé général de Gaulle avait dénoncé ce « privilège exorbitant de l’Amérique », reprenant la formule de l’économiste Jacques Rueff. « Ce que les États-Unis doivent à l’étranger, ils le lui paient, tout au moins en partie, avec des dollars qu’il ne tient qu’à eux d’émettre », avait-il estimé.

Depuis, la problématique n’a guère changé. Les États-Unis renforcent en permanence l’influence du dollar puisqu’ils continuent à s’endetter dans leur propre monnaie via notamment les bons du Trésor. Officiellement, les gouvernements américains expliquent que c’est au marché des changes de fixer la valeur des monnaies, tout en affirmant vouloir un dollar fort. En réalité, le département du Trésor oriente le billet vert à la hausse ou à la baisse selon ses intérêts du moment.

« Le dollar est notre devise mais c’est votre problème » : la boutade prêtée à John Connally, secrétaire d’État au Trésor sous le président Richard Nixon, semble toujours d’actualité. Pour autant, le ciel n’est plus tout bleu. Les milieux d’affaire parient sur une baisse sensible de la valeur du dollar, ce qui pourrait coûter à la devise américaine son rang de première monnaie de réserve. En outre, de plus en plus de transactions commerciales s’opèrent dans d’autres monnaies, certains pays producteurs de pétrole évoquant même l’idée de libeller leurs contrats en euros, en yens ou même en yuans. Le dollar américain sera-t-il l’une des victimes de la crise de 2008 ?

4 avr. 2010

Revue de presse (RIS 77)

LA REVUE INTERNATIONALE ET STRATEGIQUE
n°77 (Printemps 2010)

Cette publication trimestrielle regroupe des articles de fond et des dossiers sur des sujets vraiment divers. Cette diversité se retrouve également dans le choix des auteurs.

Pascal Boniface, régulièrement invité des plateaux télés en tant qu'expert en géostratégie, a réussi le tour de maître de trouver le juste milieu. Ni trop proche du pouvoir, évitant ainsi la connivence, ni trop loin non plus, ce qui permet l'étude approfondie.

Le dossier du numéro 77 traite de la politique étrangère de Nicolas Sarkozy. Je vous présente deux extraits d'articles ne faisant pas partie de ce dossier.



LA PHOTOGRAPHIE NE CHANGE PAS L'HISTOIRE, MAIS SES ACTEURS

Excellente interview de Reza, photographe hors du commun (propos recueillis par Didier Billion et Marie de Jerphanion).

[...]
Dans ce monde où le rôle de l'image est capital, ce qui se passe en Iran est très intéressant. Pour la première fois dans un mouvement de contestation sociale de grande ampleur, il y a très peu de photographe indépendants du pouvoir, mais les manifestants jouent, grâce à leur téléphone portable, le rôle de photo-journaliste.

REZA - Absolument. On parle de révolution de l'informatique. La guerre du Vietnam a marqué le début de la prise de conscience de la force des médias sur le plan politique. Face à cette menace, les institutions politiques cherchent à contrôler ou restreindre le pouvoir des médias par deux moyens : restreindre leur présence sur le terrain, d'une part, leur porter physiquement atteinte, d'autre part. L'armée israélienne a ainsi, dans les années 1990, mis en place une unité d'élite chargée de surveiller les journalistes et qui pouvaient même leur tirer dessus. Par ailleurs, lors de la première guerre du Golfe, la présence des journalistes sur le terrain a été encadrée. Seuls quelques journalistes étaient autorisés à suivre les combattants, et évidemment les personnes choisies n'étaient pas hostiles à l'opération. Une autre technique est de devenir actionnaire ou propriétaire des médias. Aujourd'hui en France, les trois-quarts des médias appartiennent à trois groupes : Lagardère, Dassault et Bouygues. C'est antidémocratique, on ne peut accepter que les médias d'un pays soient contrôlés par des groupes détenant le monopole sur les industries des armes, du bâtiment, de la communication, etc.

Mais Internet a complètement modifié la donne. On va vers une ère de "citizen journalism". Les nombreuses photos des manifestations iraniennes diffusées via Internet, notamment facebook, en est l'illustration. Le régime iranien s'est trouvé dépassé, alors qu'il pensait contrôler la situation en empêchant les journalistes de sortir de leurs hôtels.
[...]


LA POLITIQUE AFRICAINE D'OBAMA :
UN SEMBLANT DE RUPTURE ?

Par Constance Desloire

En janvier 2009, l'administration Obama hérite du United States Africa Command (Africom), le nouveau commandement militaire exclusivement dédié à l'Afrique entré en activité trois mois auparavant, et conçu au cours des mandats de Georges W. Bush. Les polémique sur cette structure sont alors à leur paroxysme, car elle représente l'aboutissement du retour direct des États-Unis sur un continent délaissé depuis quinze ans, dans un contexte de lutte contre le terrorisme, de recherche de nouveaux approvisionnements énergétiques, de concurrence de la Chine - trois raisons de s'implanter en Afrique, rejetées comme des "mythes" par les responsables de la Défense...

Africom innove en voulant s'occuper également de questions civiles, ce qui inquiète les Africains et les a poussés à refuser leur sol au quartier général de cette nouvelle structure, installée en Allemagne par défaut. La politique africaine d'Obama est encore trop peu différenciée des années précédentes pour rassurer les Africains, qui tentent en parallèle d'organiser une sécurité à l'échelle régionale. Africom interroge à la fois la place de l'outil militaire dans la politique étrangère, la dépendance des armées nationales vis-à-vis de l'extérieur, et plus largement les futurs outils de la sécurité du continent.

[...]


1 avr. 2010

Solutions locales pour un désordre global


C'est un thème altermondialiste. C'est également le titre du nouveau film de Coline Serreau, qui sort en salle le 7 Avril 2010.

Je n'ai malheureusement pas encore vu ce film. Mais le thème principale semble être l'agriculture, l'élevage, et l'alimentation modernes.

En voici la bande-annonce...




Solutions locales pour un désordre global - Bande-annonce
envoyé par mouvementcolibris. - Regardez plus de films, séries et bandes annonces.


Comme l'indique le titre, Solutions locales pour un désordre global, l'auteur de ce documentaire ne se contente pas de dénoncer, mais propose des alternatives aux problèmes actuels.

Concernant les OGM, on peut écouter l'interview de Coline Serreau, qui appelle au passage à la Révolution !!



Entretien avec Coline Serreau
envoyé par mouvementcolibris. - L'info video en direct.

Émile Beaufort et l'Europe

Jean Gabin incarne Émile Beaufort
Voici une vidéo extraite du film Le Président d'Henri Verneuil. Ce film n'est pas tout jeune (il date de 1961), mais les propos tenus par Jean Gabin sont malheureusement toujours d'actualité.

Ce dernier joue l'ancien président du conseil Émile Beaufort, et sort une diatribe sans pareil. Le sujet : l'Europe des banquiers. La démonstration force le respect, loin de tout fantasme sur le sujet. Et quelle vibration !!

J'en suis encore tout ému...


jean gabin contre l'Europe oligarchique
envoyé par dstephane75. - Regardez des web séries et des films.


PS : je n'ai aucun lien idéologique avec la personne qui a publié cette vidéo sur Dailymotion

25 mars 2010

J'accepte

Le texte que je reproduis ici a été lu à la radio le 11 Septembre 2003 par un anonyme.




(Le système mis en place dans notre monde libre repose sur l'accord tacite d'une sorte de contrat passé avec chacun d'entre nous dont voici, dans les grandes lignes, le contenu)

Voici le contrat reconductible par tacite reconduction que vous signez chaque matin en vous réveillant simplement et ne faisant rien

Mes chers amis,

Le 11 septembre marque le triste anniversaire d'une catastrophe hautement symbolique pour l'humanité.
Peu importe nos croyances ou nos idées politiques, le système mis en place dans notre monde libre repose sur l'accord tacite d'une sorte de contrat passé avec chacun d'entre nous, dont voici dans les grandes lignes le contenu :

1) J'accepte la compétition comme base de notre système, même si j'ai conscience que ce fonctionnement engendre frustration et colère pour l'immense majorité des perdants,

2) J'accepte d'être humilié ou exploité a condition qu'on me permette a mon tour d'humilier ou d'exploiter quelqu'un occupant une place inférieure dans la pyramide sociale,

3) J'accepte l'exclusion sociale des marginaux, des inadaptés et des faibles car je considère que le prise en charge de la société a ses limites,

4) J'accepte de rémunérer les banques pour qu'elles investissent mes salaires à leur convenance, et qu'elles ne me reversent aucun dividende de leurs gigantesques profits (qui serviront a dévaliser les pays pauvres, ce que j'accepte implicitement). J'accepte aussi qu'elle prélèvent une forte commission pour me prêter de l'argent qui n'est autre que celui des autres clients,

5) J'accepte que l'on congèle et que l'on jette des tonnes de nourriture pour ne pas que les cours s'écroulent, plutôt que de les offrir aux nécessiteux et de permettre à quelques centaines de milliers de personnes de ne pas mourir de faim chaque année,

6) J'accepte qu'il soit interdit de mettre fin à ses jours rapidement, en revanche je tolère qu'on le fasse lentement en inhalant ou ingérant des substances toxiques autorisées par les états,

7) J'accepte que l'on fasse la guerre pour faire régner la paix. J'accepte qu'au nom de la paix, la première dépense des états soit le budget de la défense. J'accepte donc que des conflits soient créés artificiellement pour écouler les stocks d'armes et faire tourner l'économie mondiale,

8) J'accepte l'hégémonie du pétrole dans notre économie, bien qu'il s'agisse d'une énergie coûteuse et polluante, et je suis d'accord pour empêcher toute tentative de substitution, s'il s'avérait que l'on découvre un moyen gratuit et illimité de produire de l'énergie, ce qui serait notre perte,

9) J'accepte que l'on condamne le meurtre de son prochain, sauf si les états décrètent qu'il s'agit d'un ennemi et nous encouragent à le tuer,

10) J'accepte que l'on divise l'opinion publique en créant des partis de droite et de gauche qui passeront leur temps à se combattre en me donnant l'impression de faire avancer le système. j'accepte d'ailleurs toutes sortes de divisions possibles, pourvu qu'elles me permettent de focaliser ma colère vers les ennemis désignés dont on agitera le portrait devant mes yeux,

11) J'accepte que le pouvoir de façonner l'opinion publique, jadis détenu par les religions, soit aujourd'hui aux mains d'affairistes non élus démocratiquement et totalement libres de contrôler les états, car je suis convaincu du bon usage qu'ils en feront,

12) J'accepte l'idée que le bonheur se résume au confort, l'amour au sexe, et la liberté à l'assouvissement de tous les désirs, car c'est ce que la publicité me rabâche toute la journée. Plus je serai malheureux et plus je consommerai : je remplirai mon rôle en contribuant au bon fonctionnement de notre économie,

13) J'accepte que la valeur d'une personne se mesure à la taille de son compte bancaire, qu'on apprécie son utilité en fonction de sa productivité plutôt que de sa qualité, et qu'on l'exclue du système si elle n'est plus assez productive,

14) J'accepte que l'on paie grassement les joueurs de football ou des acteurs, et beaucoup moins les professeurs et les médecins chargés de l'éducation et de la santé des générations futures,

15) J'accepte que l'on mette au banc de la société les personnes âgées dont l'expérience pourrait nous être utile, car étant la civilisation la plus évoluée de la planète (et sans doute de l'univers) nous savons que l'expérience ne se partage ni ne se transmet,

16) J'accepte que l'on me présente des nouvelles négatives et terrifiantes du monde tous les jours, pour que je puisse apprécier a quel point notre situation est normale et combien j'ai de la chance de vivre en occident. je sais qu'entretenir la peur dans nos esprits ne peut être que bénéfique pour nous,

17) J'accepte que les industriels, militaires et politiciens se réunissent régulièrement pour prendre sans nous concerter des décisions qui engagent l'avenir de la vie et de la planète,

18) J'accepte de consommer de la viande bovine traitée aux hormones sans qu'on me le signale explicitement. J'accepte que la culture des OGM se répande dans le monde entier, permettant ainsi aux trusts de l'agroalimentaire de breveter le vivant, d'engranger des dividendes conséquents et de tenir sous leur joug l'agriculture mondiale,

19) J'accepte que les banques internationales prêtent de l'argent aux pays souhaitant s'armer et se battre, et de choisir ainsi ceux qui feront la guerre et ceux qui ne la feront pas. Je suis conscient qu'il vaut mieux financer les deux bords afin d'être sûr de gagner de l'argent, et faire durer les conflits le plus longtemps possible afin de pouvoir totalement piller leurs ressources s'ils ne peuvent pas rembourser les emprunts,

20) J'accepte que les multinationales s'abstiennent d'appliquer les progrès sociaux de l'occident dans les pays défavorisés. Considérant que c'est déjà une embellie de les faire travailler, je préfère qu'on utilise les lois en vigueur dans ces pays permettant de faire travailler des enfants dans des conditions inhumaines et précaires. Au nom des droits de l'homme et du citoyen, nous n'avons pas le droit de faire de l'ingérence,

21) J'accepte que les hommes politiques puissent être d'une honneteté douteuse et parfois même corrompus. je pense d'ailleurs que c'est normal au vu des fortes pressions qu'ils subissent. Pour la majorité par contre, la tolérance zéro doit être de mise,

22) J'accepte que les laboratoires pharmaceutiques et les industriels de l'agroalimentaire vendent dans les pays défavorisés des produits périmés ou utilisent des substances cancérigènes interdites en occident,

23) J'accepte que le reste de la planète, c'est-à-dire quatre milliards d'individus, puisse penser différemment à condition qu'il ne vienne pas exprimer ses croyances chez nous, et encore moins de tenter d'expliquer notre Histoire avec ses notions philosophiques primitives,

24) J'accepte l'idée qu'il n'existe que deux possibilités dans la nature, à savoir chasser ou être chassé. Et si nous sommes doués d'une conscience et d'un langage, ce n'est certainement pas pour échapper à cette dualité, mais pour justifier pourquoi nous agissons de la sorte,

25) J'accepte de considérer notre passé comme une suite ininterrompue de conflits, de conspirations politiques et de volontés hégémoniques, mais je sais qu'aujourd'hui tout ceci n'existe plus car nous sommes au summum de notre évolution, et que les seules règles régissant notre monde sont la recherche du bonheur et de la liberté de tous les peuples, comme nous l'entendons sans cesse dans nos discours politiques,

26) J'accepte sans discuter et je considère comme vérités toutes les théories proposées pour l'explication du mystère de nos origines. Et j'accepte que la nature ait pu mettre des millions d'années pour créer un être humain dont le seul passe-temps soit la destruction de sa propre espèce en quelques instants,

27) J'accepte la recherche du profit comme but suprême de l'Humanité, et l'accumulation des richesses comme l'accomplissement de la vie humaine,

28) J'accepte la destruction des forêts, la quasi-disparition des poissons de rivières et de nos océans. J'accepte l'augmentation de la pollution industrielle et la dispersion de poisons chimiques et d'éléments radioactifs dans la nature. J'accepte l'utilisation de toutes sortes d'additifs chimiques dans mon alimentation, car je suis convaincu que si on les y met, c'est qu'ils sont utiles et sans danger,

29) J'accepte la guerre économique sévissant sur la planète, même si je sens qu'elle nous mène vers une catastrophe sans précédent,

30) j'accepte cette situation, et j'admets que je ne peux rien faire pour la changer ou l'améliorer,

31) J'accepte d'être traité comme du bétail, car tout compte fait, je pense que je ne vaux pas mieux,

32) J'accepte de ne poser aucune question, de fermer les yeux sur tout ceci, et de ne formuler aucune véritable opposition car je suis bien trop occupé par ma vie et mes soucis. J'accepte même de défendre à la mort ce contrat si vous me le demandez,

33) J'accepte donc, en mon âme et conscience et définitivement, cette triste matrice que vous placez devant mes yeux pour m'empêcher de voir la réalité des choses. Je sais que vous agissez pour mon bien et pour celui de tous, et je vous en remercie.

Homo Sapiens Universalis

Jusqu'à présent, nous nous définissions comme des HOMO SAPIENS SAPIENS, car chacun d'entre nous avait la conscience de sa propre existence (sous-entendu parmi les siens, sa famille, sa tribu, voire même sa nation).

Il me semble que l'humanité est en train de passer à un nouveau stade, celui de l'HOMO SAPIENS UNIVERSALIS. De la conscience du « Je », nous sommes parvenus à la conscience du « Nous », au sens large : Nous les Êtres Humains, et même Nous les Êtres Vivants (sur Terre, et jusque dans l'Univers).

Ce qui, hier encore, n'était réservé qu'à quelques êtres d'exception, est aujourd'hui à la portée de tous, car nous sommes entrés dans l'Apocalypse, l'ère du Verseau, c'est-à-dire l'ère des révélations.




Aymeric Chauprade, la Russie et l'OTAN

Aymeric Chauprade
Je vous avais présenté Aymeric Chauprade dans un précédent message, à propos de son livre sur le Choc des Civilisations, qui traite notamment du 11 Septembre.

Voici une interview de ce Monsieur, après ses entretiens avec la Douma, au cours desquels ils ont notamment parlé de la relation entre la Russie et l'Europe.

La fin de cette vidéo fait écho à mon court article sur le retour de la France dans le commandement intégré de l'OTAN.



23 mars 2010

Dispute sur le Sel et le Fer (3)



LE TRAVAIL
ET LE SAVOIR-FAIRE


La fortune des villes.
LE GRAND SECRÉTAIRE. - Si les villes de Zhuo dans la principauté de Yan, Handan à Zhao, Wen à Wei, Ying à Han et Linzi à Ts'i, les cités de Wan et les deux Tchao à Sanchuan sont les plus opulentes et les plus renommées des capitales provinciales de l'Empire, ce n'est pas que leurs alentours soient particulièrement bien mis en valeur, mais c'est qu'elles sont situées à la croisée des chemins, et commandent les routes qui relient les grandes métropoles. La population s'accroît là où abondent les richesses, les familles prospèrent là où se trouvent les marchés. La richesse ne dépend pas du travail, mais du savoir-faire. La fortune d'une ville tient plus à sa position géographique qu'à son ardeur aux travaux agricoles.

L'épargne et le travail.
LES LETTRÉS. - Tchao et Tchongshan, situées au cœur du bassin du fleuve Jaune, sont au centre du réseau routier et commandent tous les axes de communication de l'Empire. Les marchands s'y croisent dans les avenues et les princes feudataires s'y rencontrent dans les venelles. Mais les habitants ne s'intéressent qu'aux futilités. Ils sont fastueux et n'ont cure des activités essentielles, si bien que les champs sont à l'abandon. Les hommes et les femmes sont frivoles et coquets ; ils n'ont même pas un panier de grains de réserve, mais n'en continuent pas moins à s'égosiller et à gratter de la guitare dans leur logis. C'est pourquoi il y a tant de pauvres et si peu de riches à Tch'ou et à Tchao. Par contre, dans les pays de Song, Wei, Han et Liang, où l'on sait l'importance des activités fondamentales et où l'on s'adonne à l'agriculture, il n'est pas, même dans le menu peuple, de famille qui ne soit prospère ni d'homme qui n'ait le nécessaire.

L’économie, et non la situation géographique, procure le bien-être. L’épargne et le travail sont dispensateurs de richesses, et non des officiers ou des instructeurs chargés de surveiller les paysans.

L'univers fait circuler les biens.
LE GRAND SECRÉTAIRE. - D'après la théorie des Cinq Éléments, le bois est l'élément de l'est, mais on trouve des monts riches en cuivre à Dan Zhang. Au sud correspond le feu, mais dans le pays des Vietnamiens coulent des rivières larges comme des océans. A l'ouest correspond le métal, toutefois c'est dans les provinces de Shu et de Long que poussent les forêts qui fournissent le bois de construction le plus réputé. Au nord correspond l'eau, et pourtant à Youdu s'étendent des déserts de sable. C'est ainsi que l'univers lui-même corrige les excès dans l'un et l'autre sens en répartissant et en faisant circuler les biens.

De nos jours, les bambous sont si touffus clans les régions de Wu et de Yue et les forêts si vastes à Sui et à Tang que leur exploitation dépasse largement les besoins locaux. Par contre, à Cao, à Wei, à Liang et à Song, on en est réduit à laisser les morts sans cercueils. Les poissons du fleuve Bleu et des grands lacs, les poissons-globes des régions de Lai et de Huang sont si nombreux qu'ils excèdent de loin la consommation de ces provinces, tandis qu'à Zou, à Lou, à Zhou et à Han, on ne mange que des légumes. Si le peuple est démuni quand les ressources de l'univers sont inépuisables et quand les monts et les mers recèlent d'immenses trésors, c'est la mauvaise répartition des richesses et leur circulation défectueuse qu'il faut incriminer.

Le tournis des produits exotiques.
LES LETTRÉS. - Jadis, les poutres des habitations étaient mal équarries, les toits étaient de chaume non taillé. On portait des habits de toile grossière et on mangeait dans des écuelles de terre. On fondait le métal pour forger des houes et on pétrissait la terre pour modeler des récipients. Les artisans ne s'essayaient pas à fabriquer des objets artistiques ou ingénieux. On n'appréciait pas les choses qui ne servaient à rien. Chacun se contentait de son chez-soi et des mœurs les plus simples. On trouvait succulente sa nourriture et commodes ses ustensiles. On n'éprouvait nul besoin d'échanger des produits exotiques ni d'acheter des jades de Kunshan.

De nos jours, les mœurs se sont déréglées, nos contemporains rivalisent de luxe et de dissipation. Les femmes tissent des toiles arachnéennes et les artisans sont d'une habileté diabolique. On n'apprécie plus que ce qui est délicat et contourné, on a la rage de sculpter les matériaux bruts ; on éventre les montagnes pour extraire des métaux précieux ; on plonge dans des gouffres sans fond pour dérober les perles ; on creuse des fosses pour prendre aux rhinocéros leurs cornes, aux éléphants leur ivoire ; on tend des filets pour arracher leurs plumes aux martins-pêcheurs. Les produits achetés aux sauvages étourdissent la Chine. Les richesses de Gong et de Zuo sont acheminées jusqu'à la côte est et on échange des marchandises à des milliers de kilomètres. Bref, on perd son temps et sa peine en de vains trafics. Aussi les hommes et les femmes du peuple n'ont-ils plus le cœur à l'ouvrage et les biens de première nécessité, nourriture et vêtements, viennent-ils à manquer. Un monarque avisé interdit les bénéfices excessifs, il restreint les dépenses somptuaires, de sorte que ses sujets retournent aux activités productives. Alors, les vivants ont de quoi vivre et les morts peuvent reposer dans des cercueils.

Nécessité du profit.
LE GRAND SECRÉTAIRE. - Jadis, il y avait une stricte réglementation de la taille des palais et de la somptuosité des parures et des équipages. Mais les textes sont muets sur les toits de chaume ou la décoration des poutres. Certes, le sage évite le luxe excessif, mais il stigmatise la parcimonie car elle conduit à l'étroitesse d'esprit. Jadis, Sun-shu Ao exerçait la charge de Premier ministre de Tch'ou. Sa femme ne portait pas de vêtements de soie et ses chevaux ne mangeaient pas d'avoine. Confucius exprima sa réprobation en ces termes : « Sa conduite n'est pas correcte, tant de parcimonie fait peser une trop lourde contrainte sur les inférieurs. » Le poème du Criquet dénonce les mêmes erreurs. Le Kouan-tseu a dit : « Que faire du bois de construction si les palais ne sont pas ouvragés ? Quadrupèdes et oiseaux pulluleront si les cuisines ne regorgent pas de nourriture. » L'agriculture n'a plus de raison d'être sans la recherche du profit ; et sans robes d'apparat richement brodées, les tisserandes se trouveraient au chômage. Les artisans, négociants, charpentiers et ingénieurs répondent aux besoins de l'État et pourvoient la nation en ustensiles et machines qui lui sont nécessaires. Ils existent depuis toujours et continueront à exister. Confucius dit : « Les artisans demeurent au marché afin de bien faire leur métier. » Marchands et paysans échangent mutuellement leurs produits pour le plus grand bénéfice de l'agriculture et de l'artisanat. Ainsi, les marchandises circulent entre les habitants des montagnes, des marais, des jungles et des déserts afin que les biens soient répartis équitablement. Ceux qui possèdent en abondance un produit ne sont plus les seuls à en bénéficier et ceux qui en manquent n'en pâtissent plus. Si chacun vivait en autarcie, replié sur lui-même, on ne vendrait ni oranges ni mandarines, on n'exploiterait pas le sel de Juyan, on ne verrait sur les marchés ni bannières de laine ni tapis de feutre et les richesses forestières de Wu et de Tang seraient perdues.

Des logements plutôt que des tapis.
LES LETTRÉS. - Mencius a dit: « Si les travaux des champs sont accomplis à leur heure, on récoltera plus de grain qu'on n'en peut consommer ; si le chanvre est cultivé et le ver à soie élevé conformément aux saisons, on tissera plus de toile qu'il n'en faut pour se vêtir ; que sur les montagnes et dans les vallées la hache ne touche pas aux arbres en dehors des époques prescrites, on aura plus de bois qu'on n'en pourra employer ; qu'il soit interdit de chasser et de pêcher en dehors de la période convenable, on aura plus de gibier et de poissons qu'on n'en peut manger. »

Certes, quand on décore maisons et palais avec un luxe effréné, quand on élève des pavillons à étage et des belvédères, quand les charpentiers équarrissent des troncs d'arbres pour qu'on en tire des objets minuscules, sculptant là des nuages, ici des montagnes, il n'est pas surprenant que le bois manque ! On quitte la terre pour s'adonner à des arts futiles. On ne fabrique plus que des objets baroques et chantournés. On grave, on incruste, on reproduit des figures animales ; il semble que l'on se soit fixé pour tâche d'épuiser toutes les formes possibles de la création. Et on s'étonne que le blé manque ! Quand les femmes déploient des prodiges d'habileté pour broder des étoffes d'une infinie délicatesse, il est naturel que la soie vienne à faire défaut. Quand les cuisiniers font fricasser des femelles encore pleines et se livrent à des préparations savantes, combinant toutes les saveurs possibles, il est naturel que la viande et le poisson deviennent rares. Nous ne devons pas déplorer à notre époque, que le nombre des animaux ne cesse de croître ou que les forêts soient sous-exploitées, mais plutôt que l'extravagance et la dissipation ne connaissent plus de frein. Ce n'est pas tant la pénurie d'oranges ou de tapis qui est à craindre, mais plutôt le manque de nourriture et de logements décents.

20 mars 2010

Discours de Robespierre

Marre de la Dispute Chinoise vieille de 2000 ans ? Allez, on fait un p'tit saut dans l'temps (et dans l'espace), et nous voici à la fin XVIIIème siècle, auprès de Robespierre.

Cette vidéo, préparée par Le Mouvement Abstentionniste et Progressiste, retranscrit un discours du célèbre révolutionnaire, lu sur une musique Dub du meilleur effet.

"Les Hommes sont-ils égaux en droit ? Si vous n'avez pas tout fait pour la Liberté, alors vous n'avez rien fait !"





"[...] Et quelle aristocratie ? La plus insupportable de toutes : celle des riches..."

"Quelle est la source de ces extrêmes inégalités des fortunes qui rassemblent toutes les richesses en un petit nombre de mains ? Ne sont-ce pas de mauvaises lois ? Des mauvais gouvernements ?"

"Le peuple a changé de chaînes, et non de destinée"

A propos de la conspiration :
"Et... A qui faut-il imputer ces maux ? A nous même !!"



Quelle lucidité dans ses propos ! Ils résonnent jusqu'à notre époque ; ils justifient à eux seuls une nouvelle Révolution.


16 mars 2010

Dispute sur le Sel et le Fer (2)




LES BIENS DE LA TERRE
ET LES MIRAGES DU PROFIT


Le souverain prévoit la pénurie.
LE GRAND SECRÉTAIRE. - Un sage monarque a la haute main sur toutes les ressources naturelles de son pays, il tient fermement la balance du commerce et veille à ce que chaque chose soit faite en son temps. Il contrôle son peuple en gérant l'économie. Dans les années de bonnes récoltes, il stocke en prévision des disettes. Dans les années de vaches maigres, libérant marchandises et monnaies, il écoule les surplus afin de lutter contre la pénurie. Quand l’empereur Yu affronta les inondations et l'empereur Tang la sécheresse, leurs sujets, réduits à la dernière extrémité, s'entraidaient pour ne pas périr de froid et de faim. Alors Yu et Tang fondirent de la monnaie, l'un avec le métal du mont Li, l'autre avec le cuivre du mont Zhuang et secoururent la multitude. L’Empire loua leur bonté.

Naguère, la crise financière empêcha de payer leur solde à nos troupes, tandis que, des inondations ayant ravagé les régions orientales, les provinces de Ts'i et de Tchao connurent une terrible famine. Mais les réserves accumulées dans les magasins impériaux par le système de régulation des prix permirent à la fois de payer les soldats et de venir en aide aux habitants des zones sinistrées. Les biens collectés par le système de régulation des prix et les richesses amassées dans les magasins d'État ne doivent pas entrer dans le circuit commercial ni répondre à des dépenses strictement militaires ; ils permettent, tout au contraire, d'aider ceux qui sont dans le besoin et de lutter contre les calamités naturelles.

L’agriculture, seule priorité.
LES LETTRÉS. - La vérité, c'est que sous le règne des sages souverains le peuple s'adonnait corps et âme aux travaux agricoles sans rechigner à l'ouvrage. En trois ans de labours, les excédents égalaient la récolte d'une année ; au bout de neuf ans, celle de trois. C'est ainsi que les souverains Yu et Tang se prémunirent contre l'inondation et la sécheresse et assurèrent la sécurité de leurs sujets.

Vous aurez beau monopoliser toutes les ressources du globe et inventer cent manières de tirer du profit : faute de défricher les terres incultes et de cultiver correctement les champs, on ne pourra jamais assurer la subsistance du peuple. C'est pourquoi, dans l'Antiquité, on mettait toute son ardeur dans les activités fondamentales, et les plantations prospéraient. Les paysans, courbés sur leur charrue, avaient nourriture et vêtements en suffisance si bien qu'on pouvait supporter sans trop de dommage plusieurs mauvaises récoltes consécutives. Quand labour et semailles, tâches essentielles, ainsi que vêtement et nourriture, biens de première nécessité, sont assurés ensemble, alors le pays est prospère et son peuple heureux. Ou, comme le dit le Livre des odes : « Les cent maisons seront pleines, femmes et enfants seront dans la joie. »

Autres moyens de l'abondance.
LE GRAND SECRÉTAIRE. - On ne dirige pas une famille selon un seul principe, on n'enrichit pas un pays par un seul moyen. Si l'agriculture seule permettait aux hommes de subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs familles, l'empereur Chouen n'aurait pas été potier ni le ministre Yi Yin (Ministre exemplaire de l'empereur Tang maître queux. Celui qui est expert dans l'art de gouverner ne lâche pas l'essentiel pour l'accessoire ni la réalité pour l'illusion.

Les richesses naturelles de notre pays, les trésors obtenus par le système de la régulation des prix servent à contrôler l'économie et à tenir les princes feudataires sous notre coupe. L'or des rivières Ru et Han, les tissages et les soieries sont des trésors qui appâtent les pays étrangers et nous rendent maîtres de nos voisins, les Huns et les Tibétains. Nous grignotons les richesses de nos ennemis en échangeant avec eux une pièce de soie chinoise contre des marchandises qui valent des monceaux d'or. Mules, ânes et chameaux franchissent les passes en longues caravanes, alezans et chevaux pommelés viennent remplir nos haras ; marmottes, zibelines, renards, blaireaux, couvertures bariolées et tapis chamarrés s'entassent dans les magasins impériaux ; jades précieux, coraux, cristaux font maintenant partie de nos trésors. Les richesses des pays étrangers affluent chez nous, l'importation des marchandises étrangères nous procure l'abondance, et le peuple ne manque de rien puisque les bénéfices ne s'enfuient pas à l'étranger. Pour parler comme le Livre des odes : « Les cent maisons sont pleines, femmes et enfants sont dans la joie. »

Coûteuses babioles.
LES LETTRÉS. - Jadis, les marchands faisaient circuler les marchandises sans arrière-pensées et les artisans fixaient leurs prix sans chercher à tromper personne. Le gentilhomme pouvait se livrer de la même façon aux travaux des champs ou à la chasse et à la pêche.

Mais le commerce développe la duperie et l'artisanat, l'artifice. Ainsi naissent des ambitions démesurées et disparaît la vergogne. Les hommes peu scrupuleux deviennent franchement malhonnêtes et les hommes intègres peu scrupuleux. Le sage Yi Yin se réfugia à Hao quand le tyran Kie commença à remplir son palais de femmes et de musiciennes parées comme des châsses. Femmes et musiciennes conduisirent le tyran Kie à sa perte. Tout compte fait, les mules et les ânes sont moins utiles que les bœufs et les chevaux ; les zibelines, les étendards et les tapis moins précieux que la soie. Le corail et le jade sont extraits du mont Kun ; les perles, les cornes de rhinocéros, l'ivoire viennent de Guilin. Ces contrées sont à des milliers de milles de chez nous. Si on calcule le coût nécessaire pour produire de la soie ou des céréales et qu'on le compare avec les dépenses en matériel et en capital pour ces marchandises venues de l'étranger, une seule de ces babioles revient cent fois plus cher, et on paie plusieurs milliers de boisseaux de grain pour une poignée de ces produits.

Quand les grands aiment les curiosités, le goût pour les vêtements extravagants et dispendieux se propage dans le peuple. On s'entiche d'objets exotiques, et les richesses nationales vont remplir les coffres des pays étrangers. Un prince n'attache pas de valeur au luxe inutile, et son peuple est économe ; il n'aime pas les objets exotiques ou étrangers, et son pays est prospère. La seule méthode de gouvernement consiste à user de ses biens avec parcimonie, à développer les activités fondamentales et à répartir les terres suivant le vieux système du champ communal.

Tirer parti d'autrui.
LE GRAND SECRÉTAIRE. - Si vous quittez la capitale pour voyager par monts et par vaux dans toutes les directions, à travers les commanderies et les principautés, vous ne trouverez pas une seule grande et belle ville qui ne soit percée de part en part de larges avenues, qui ne grouille de marchands et de négociants et qui ne regorge de toutes sortes de produits. Les sages savent mettre à profit les saisons, et les hommes habiles exploiter les richesses naturelles. L’homme supérieur sait tirer parti d'autrui ; l'homme médiocre ne sait se servir que de lui-même. Les marchands de Yuan, de Zhou, de Ts'i, de Lou qui circulent dans tout l'Empire ont réussi à amasser des dizaines de milliers d'écus en trafiquant. Comment l'agriculture suffirait-elle à enrichir le pays, et pourquoi le système du champ communal aurait-il, à lui seul, le privilège de procurer au peuple ce dont il a besoin ?

La spéculation et le chaos.
LES LETTRÉS. - Quand « les eaux débordées montèrent à l'assaut du ciel », Yu le Grand exécuta d'immenses travaux. Quand le fleuve Jaune sortit de son lit, la construction de la digue de Hsuanfang évita le désastre. Dans un monde en proie au chaos, on ne pense plus qu'à bâtir des fortunes par la spéculation. Sous le gouvernement parfait de la haute Antiquité, le peuple était simple, il s'adonnait à l'agriculture et vivait heureux avec des désirs modestes. En ces temps-là, les passants étaient rares sur les chemins et l'herbe croissait sur les places des marchés. Celui qui ne labourait pas ne pouvait pas remplir son estomac, celui qui ne tissait pas avec courage n'avait rien à se mettre sur le dos. Et malgré les désirs de la multitude, l'art des commerçants ou des artisans de Tao ou de Yuan ne pouvait s'exercer. De mémoire d'homme, on n'a jamais reçu sans avoir donné ni jamais connu le succès sans avoir payé de sa personne.