Je vous livre ici quelques extraits choisis d'un article paru dans La Revue Internationale et Stratégique n°70 (Eté 2008), écrit par Yakov M. Rabkin, professeur d'histoire à l'Université de Montréal.
La campagne contre l'Iran : le lobby sioniste et l'opinion juive
Deux accusation dominent dans le discours occidental sur l'Iran depuis quelques années. On accuse le président Mahmoud Ahmadinejad de nier la Shoah et de vouloir rayer de la carte l'État d'Israël. [...]
Cet article se propose de retracer les origines de ces accusations. [...] Les pressions auxquelles est soumis l'Iran se fondent largement sur les préoccupations affichées par le gouvernement américain concernant la sécurité d'Israël. Les deux accusations reflètent l'amalgame assez courant entre l'État d'Israël, d'une part, et les juifs, d'autre part, ainsi qu'entre l'antisémitisme et l'antisionisme. [...]
Les médias occidentaux, dont Le Monde daté du 27 octobre 2005, annoncent que le président iranien a déclaré qu' « Israël doit être rayé de la carte ». Or, les experts s'entendent pour dire que le président iranien, lors de son discours, n'a prononcé ni le mot « rayer », ni le mot « carte ». Il a plutôt repris l'une des déclarations de l'ayatollah Khomeyni : « Esrâ'il bâyad az sahneyeh roozégâr mahv shavad », ce qui signifie « Israël doit disparaître de la page du temps ». Nous avons puisé cette phrase dans un site Internet de l'opposition iranienne à l'étranger qu'on ne peut pas soupçonner de vouloir enjoliver les paroles du président. [...]
Pourtant, selon les propos du ministre des Affaires étrangères iranien, M. Manouchehr Mouttaki (tels que le rapporte un autre site de l'opposition au régime actuel en Iran), son pays « ne projette de détruire aucune nation, ni aucun pays ». Il ajoute que « tout enfant allant à l'école sait qu'il est impossible de rayer un pays de la carte ». L'agence de presse iranienne officielle IRNA indique que M. Ahmadinejad « a appelé à la nécessité de résoudre les problème mondiaux, notamment le problème palestinien, au moyen du dialogue ». Sur les ondes du réseau ABC News, il appelle à résoudre la situation en Palestine en conformité avec la charte des Nations Unies et à laisser aux Palestiniens le droit de décider de leur avenir en proposant de tenir « un référendum basé sur le droit international, auquel participeraient tous les Palestiniens, musulmans et juifs ». Dans la même interview, Ahmadinejad réitère son affirmation selon laquelle « nous nous efforçons d'éviter tout conflit ou effusion de sang. Étant opposé aux conflits de toute nature, nous avons souvent répété que l'on peut résoudre les problèmes du monde par le recours au dialogue, à la logique et à l'amitié. Il n'y a nul besoin d'utiliser la force. »
Curieusement, alors que certaines positions de M. Ahmadinejad font la une des quotidiens, on accorde peu d'attentions aux propos de l'ayatollah Khamenei, qui détient le véritable pouvoir en Iran et qui a déclaré que son pays appelait à la normalisation des relations avec Israël si celui-ci acceptait la proposition dite des deux États formulés par la Ligue arabe en 2002, puis de nouveau en 2007.
Par ailleurs, la fameuse phrase prononcée par M. Ahmadinejad s'inscrit dans une série de comparaisons historiques. Selon l'Associated Press, le président iranien a déclaré également : « Le régime sioniste sera bientôt effacé, de la même façon que l'a été l'Union Soviétique, et l'humanité sera libre. » En réalité, il s'attend à ce qu'Israël se désagrège pacifiquement, sous le poids de ses contradictions internes, comme cela a été le cas de l'URSS, dont le déclin a été pacifique. Comme la disparition de l'Union soviétique n'est pas attribuable à l'utilisation de l'arme nucléaire, le président iranien ne propose pas d'utiliser la force armée pour précipiter la fin de l'État d'Israël. De toute façon, cela ne serait guère sérieux, car on estime qu'Israël bénéficie d'une supériorité militaire incontestable dans la région. M. Ahmadinejad prévoit que, de même que le communisme a perdu sa légitimité et s'est évanoui, le sionisme disparaîtra un jour. Dans le même discours, il mentionne d'autres phénomènes historiques, comme la chute du régime du Shah, ou encore la disparition des pharaons d'Égypte, marquant la fin de régimes qui apparaissaient alors comme invincibles et éternels. Si le communisme en URSS et le régime du Shah ont disparu sans que la Russie et l'Iran aient été rayés de la face de la Terre, argue M. Ahmadinejad, il en ira de même du sionisme : sa disparition n'est pas synonyme de la destruction de l'État d'Israël ni du peuple juif. [...]
Même quand les militants sionistes de la campagne contre l'Iran ont abandonné l'allégation basée sur la fausse traduction et décriée par l'ambassadeur iranien aux Nations Unies sur les ondes de CNN, presque tous les membres du Congrès des États-Unis (411 en tout) ont condamné le président iranien pour « avoir voulu inciter au massacre massif des juifs d'Israël ». Le démocrate Steve Rothman maintenait, à l'été 2007, que l'Iran avait menacé « de rayer Israël de la carte ». Shimon Peres, actuel président de l'État d'Israël et lauréat du prix Nobel pour la paix, avertissait que « l'Iran aussi pourrait être rayé de la carte ».
[...] La dernière attaque de l'Iran contre un autre pays remontre à plus de trois siècles. [...]
Le lobby israélien a joué un rôle important dans la campagne de propagande contre l'Iran. Lors du congrès qui s'est tenu au printemps 2006, l'AIPAC (American Israel Public Affairs Commitee) fait de l'Iran sa cible principale et présente sur écran géant un montage juxtaposant Hitler dénonçant les juifs et le président iranien menaçant de « rayer Israël de la carte ». Le spectacle se termine par un fondu sur la maxime énoncée après la Shoah « Never again ! » (Plus jamais ça !). Au fil des mois, ces images sont devenues courantes.
Le JCPA fait la promotion de la campagne contre l'Iran à partir d'Israël et des États-Unis. En décembre 2006, il organise une conférence de presse dans laquelle on propose d'inculper le président iranien pour avoir menacé de commettre un massacre. Deux avocats, l'Américain Alain Derschowitz et le Canadien Irwin Ctoler, connus les pour les liens qu'ils entretiennent avec la droite israélienne, sont présent et soutiennent l'inculpation. Plus tard, Cotler a renforcé l'accusation en recourant à l'association B'nai B'rith Canada ; celle-ci a exigé que le Canada et d'autres gouvernements intentent une poursuite contre l'Iran pour avoir violé la convention des Nations Unies sur le génocide.
Mais c'est l'Israel Project, groupe appartenant au lobby israélien et ayant son siège au Hudson Institute à Washington, qui met au point la manœuvre la plus impressionnante pour intensifier la campagne contre l'Iran. En mars 2007, le groupe a distribué un kit de presse sur l'Iran à plus de 17 000 journalistes professionnels et à 40 000 militants pro-israéliens aux États-Unis. En outre, le bureau d'Israel Project à Jérusalem a distribué la trousse à plus de 400 journalistes étrangers accrédités en Israël. Ce dossier de presse réaffirme que le président iranien « nie la Shoah » et « veut rayer Israël de la carte ». [...]
Ajout du 24 février 2011 : une vidéo faite par Égalité et Réconciliation, montrant la reprise de la fameuse phrase "rayer Israël de la carte" dans nos médias.
Enfin, je vous recommande cette excellente interview de Thierry Meyssan sur la Révolution islamique d'Iran.
La campagne contre l'Iran : le lobby sioniste et l'opinion juive
Deux accusation dominent dans le discours occidental sur l'Iran depuis quelques années. On accuse le président Mahmoud Ahmadinejad de nier la Shoah et de vouloir rayer de la carte l'État d'Israël. [...]
Cet article se propose de retracer les origines de ces accusations. [...] Les pressions auxquelles est soumis l'Iran se fondent largement sur les préoccupations affichées par le gouvernement américain concernant la sécurité d'Israël. Les deux accusations reflètent l'amalgame assez courant entre l'État d'Israël, d'une part, et les juifs, d'autre part, ainsi qu'entre l'antisémitisme et l'antisionisme. [...]
Les médias occidentaux, dont Le Monde daté du 27 octobre 2005, annoncent que le président iranien a déclaré qu' « Israël doit être rayé de la carte ». Or, les experts s'entendent pour dire que le président iranien, lors de son discours, n'a prononcé ni le mot « rayer », ni le mot « carte ». Il a plutôt repris l'une des déclarations de l'ayatollah Khomeyni : « Esrâ'il bâyad az sahneyeh roozégâr mahv shavad », ce qui signifie « Israël doit disparaître de la page du temps ». Nous avons puisé cette phrase dans un site Internet de l'opposition iranienne à l'étranger qu'on ne peut pas soupçonner de vouloir enjoliver les paroles du président. [...]
Pourtant, selon les propos du ministre des Affaires étrangères iranien, M. Manouchehr Mouttaki (tels que le rapporte un autre site de l'opposition au régime actuel en Iran), son pays « ne projette de détruire aucune nation, ni aucun pays ». Il ajoute que « tout enfant allant à l'école sait qu'il est impossible de rayer un pays de la carte ». L'agence de presse iranienne officielle IRNA indique que M. Ahmadinejad « a appelé à la nécessité de résoudre les problème mondiaux, notamment le problème palestinien, au moyen du dialogue ». Sur les ondes du réseau ABC News, il appelle à résoudre la situation en Palestine en conformité avec la charte des Nations Unies et à laisser aux Palestiniens le droit de décider de leur avenir en proposant de tenir « un référendum basé sur le droit international, auquel participeraient tous les Palestiniens, musulmans et juifs ». Dans la même interview, Ahmadinejad réitère son affirmation selon laquelle « nous nous efforçons d'éviter tout conflit ou effusion de sang. Étant opposé aux conflits de toute nature, nous avons souvent répété que l'on peut résoudre les problèmes du monde par le recours au dialogue, à la logique et à l'amitié. Il n'y a nul besoin d'utiliser la force. »
Curieusement, alors que certaines positions de M. Ahmadinejad font la une des quotidiens, on accorde peu d'attentions aux propos de l'ayatollah Khamenei, qui détient le véritable pouvoir en Iran et qui a déclaré que son pays appelait à la normalisation des relations avec Israël si celui-ci acceptait la proposition dite des deux États formulés par la Ligue arabe en 2002, puis de nouveau en 2007.
Par ailleurs, la fameuse phrase prononcée par M. Ahmadinejad s'inscrit dans une série de comparaisons historiques. Selon l'Associated Press, le président iranien a déclaré également : « Le régime sioniste sera bientôt effacé, de la même façon que l'a été l'Union Soviétique, et l'humanité sera libre. » En réalité, il s'attend à ce qu'Israël se désagrège pacifiquement, sous le poids de ses contradictions internes, comme cela a été le cas de l'URSS, dont le déclin a été pacifique. Comme la disparition de l'Union soviétique n'est pas attribuable à l'utilisation de l'arme nucléaire, le président iranien ne propose pas d'utiliser la force armée pour précipiter la fin de l'État d'Israël. De toute façon, cela ne serait guère sérieux, car on estime qu'Israël bénéficie d'une supériorité militaire incontestable dans la région. M. Ahmadinejad prévoit que, de même que le communisme a perdu sa légitimité et s'est évanoui, le sionisme disparaîtra un jour. Dans le même discours, il mentionne d'autres phénomènes historiques, comme la chute du régime du Shah, ou encore la disparition des pharaons d'Égypte, marquant la fin de régimes qui apparaissaient alors comme invincibles et éternels. Si le communisme en URSS et le régime du Shah ont disparu sans que la Russie et l'Iran aient été rayés de la face de la Terre, argue M. Ahmadinejad, il en ira de même du sionisme : sa disparition n'est pas synonyme de la destruction de l'État d'Israël ni du peuple juif. [...]
Même quand les militants sionistes de la campagne contre l'Iran ont abandonné l'allégation basée sur la fausse traduction et décriée par l'ambassadeur iranien aux Nations Unies sur les ondes de CNN, presque tous les membres du Congrès des États-Unis (411 en tout) ont condamné le président iranien pour « avoir voulu inciter au massacre massif des juifs d'Israël ». Le démocrate Steve Rothman maintenait, à l'été 2007, que l'Iran avait menacé « de rayer Israël de la carte ». Shimon Peres, actuel président de l'État d'Israël et lauréat du prix Nobel pour la paix, avertissait que « l'Iran aussi pourrait être rayé de la carte ».
[...] La dernière attaque de l'Iran contre un autre pays remontre à plus de trois siècles. [...]
Le lobby israélien a joué un rôle important dans la campagne de propagande contre l'Iran. Lors du congrès qui s'est tenu au printemps 2006, l'AIPAC (American Israel Public Affairs Commitee) fait de l'Iran sa cible principale et présente sur écran géant un montage juxtaposant Hitler dénonçant les juifs et le président iranien menaçant de « rayer Israël de la carte ». Le spectacle se termine par un fondu sur la maxime énoncée après la Shoah « Never again ! » (Plus jamais ça !). Au fil des mois, ces images sont devenues courantes.
Le JCPA fait la promotion de la campagne contre l'Iran à partir d'Israël et des États-Unis. En décembre 2006, il organise une conférence de presse dans laquelle on propose d'inculper le président iranien pour avoir menacé de commettre un massacre. Deux avocats, l'Américain Alain Derschowitz et le Canadien Irwin Ctoler, connus les pour les liens qu'ils entretiennent avec la droite israélienne, sont présent et soutiennent l'inculpation. Plus tard, Cotler a renforcé l'accusation en recourant à l'association B'nai B'rith Canada ; celle-ci a exigé que le Canada et d'autres gouvernements intentent une poursuite contre l'Iran pour avoir violé la convention des Nations Unies sur le génocide.
Mais c'est l'Israel Project, groupe appartenant au lobby israélien et ayant son siège au Hudson Institute à Washington, qui met au point la manœuvre la plus impressionnante pour intensifier la campagne contre l'Iran. En mars 2007, le groupe a distribué un kit de presse sur l'Iran à plus de 17 000 journalistes professionnels et à 40 000 militants pro-israéliens aux États-Unis. En outre, le bureau d'Israel Project à Jérusalem a distribué la trousse à plus de 400 journalistes étrangers accrédités en Israël. Ce dossier de presse réaffirme que le président iranien « nie la Shoah » et « veut rayer Israël de la carte ». [...]
Ajout du 24 février 2011 : une vidéo faite par Égalité et Réconciliation, montrant la reprise de la fameuse phrase "rayer Israël de la carte" dans nos médias.
Enfin, je vous recommande cette excellente interview de Thierry Meyssan sur la Révolution islamique d'Iran.
« Imam ghoft een rezhim-e ishghalgar-e qods bayad az safheh-ye ruzgar mahv shavad. »
RépondreSupprimerAvant d’en venir à la formule tristement célèbre en elle-même, il est important de noter que la « citation » en question était elle-même une citation – ce sont les mots du défunt Ayatollah Khomeiny, le père de la Révolution Islamique [3].......
Ce passage ne signifiera rien pour la plupart des gens, mais un mot cependant devrait faire dresser l’oreille : « rezhim-e ». C’est le mot « régime », prononcé comme le mot anglais [« regime », NdT] avec un son supplémentaire – « eh » - à la fin. Ahmadinejad ne se référait pas au pays-Israël ou au territoire-Israël, mais au régime israélien [5]. Il s’agit là d’une distinction cruciale, puisqu’il est impossible de rayer un régime de la carte [6]. Ahmadinejad ne se réfère même pas à Israël par son nom ; à la place, il utilise la périphrase « rezhim-e ishghalgar-e qods » (c’est-à-dire littéralement « régime occupant Jérusalem »).
http://www.tlaxcala.es/pp.asp?reference=1976&lg=fr
Great share thanks for posting
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