6 avr. 2010

Le dollar, « notre devise, votre problème », par Akram Belkaïd

Suite à la demande formulée par l'un d'entre vous, je me concentre cette semaine sur 2 sujets économiques : la dette de l'état, et l'émission de monnaie, sans me restreindre à la France.


Voici un article rédigé par Akram Belkaïd, et publié dans le magazine Manière de voir (n°102 – Décembre 2008 – Janvier 2009 : LE KRACH DU LIBÉRALISME).



LE DOLLAR, « NOTRE DEVISE, VOTRE PROBLÈME »

Après la perte d’influence définitive de la livre sterling au milieu du XXème siècle, le dollar américain est devenu la plus importante devise du système monétaire. Elle est utilisée dans 60% des transactions commerciales transfrontalières. En deuxième lieu, elle occupe une part prépondérante dans les coffres de toutes les banques centrales : près de 2730 milliards de dollars y reposent, soit 62,4% des réserves mondiales de change à la fin du premier semestre 2008. Le dollar est aussi la monnaie la plus traitée sur le marché des devises (65% des opérations sur le marché des changes). Fort logiquement, c’est aussi la plus contrefaite : on compterait 100 millions de faux dollars dans le monde.

Plusieurs facteurs expliquent cette prépondérance du billet vert. Il reflète d’abord l’importance de la première économie du monde. Mais aussi, et surtout, le fait que les États-Unis sont déliés de toute contrainte en matière de création de monnaie, ce qui leur permet d’inonder la planète de dollars. En effet, depuis le 15 août 1971, la devise américaine n’étant plus convertible en or, la création monétaire aux États-Unis n’est plus assujettie à la possession de stocks de métal jaune par la Réserve fédérale. En clair, l’Amérique peut créer autant de dollars qu’elle veut. Ce qui lui offre un avantage considérable par rapport aux autres pays : non seulement ces derniers constituent majoritairement leurs réserves en dollars (et non pas dans leur propre monnaie), mais ils sont obligés d’utiliser le billet vert dans tous leurs échanges financiers avec les États-Unis.

En son temps déjà, lé général de Gaulle avait dénoncé ce « privilège exorbitant de l’Amérique », reprenant la formule de l’économiste Jacques Rueff. « Ce que les États-Unis doivent à l’étranger, ils le lui paient, tout au moins en partie, avec des dollars qu’il ne tient qu’à eux d’émettre », avait-il estimé.

Depuis, la problématique n’a guère changé. Les États-Unis renforcent en permanence l’influence du dollar puisqu’ils continuent à s’endetter dans leur propre monnaie via notamment les bons du Trésor. Officiellement, les gouvernements américains expliquent que c’est au marché des changes de fixer la valeur des monnaies, tout en affirmant vouloir un dollar fort. En réalité, le département du Trésor oriente le billet vert à la hausse ou à la baisse selon ses intérêts du moment.

« Le dollar est notre devise mais c’est votre problème » : la boutade prêtée à John Connally, secrétaire d’État au Trésor sous le président Richard Nixon, semble toujours d’actualité. Pour autant, le ciel n’est plus tout bleu. Les milieux d’affaire parient sur une baisse sensible de la valeur du dollar, ce qui pourrait coûter à la devise américaine son rang de première monnaie de réserve. En outre, de plus en plus de transactions commerciales s’opèrent dans d’autres monnaies, certains pays producteurs de pétrole évoquant même l’idée de libeller leurs contrats en euros, en yens ou même en yuans. Le dollar américain sera-t-il l’une des victimes de la crise de 2008 ?

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