Elie Arié est aujourd’hui membre du conseil scientifique de la fondation Res Pulica (think tank de Jean-Pierre Chevènement). Il vient de sortir le mois dernier un livre d’analyse assez large de la mondialisation, notamment à l’aune des critères suivants : démocratie, “question social”, médias, religions et patriotisme.
Selon les sujets, le lecteur partagera ou non les analyses d’Elie Arié, mais il est peu probable qu’il y soit indifférent. Ce livre peut être vu comme une réponse à celui de Stéphane Hessel. En cinquante pages environ, l’auteur souligne de manière plutôt convaincante l’inutilité des sempiternels défilés “république-bastille-nation”, et d’autres formes de lutte appartenant au passé.
Avant d’avoir pu lire « Mondialisation déclin de l’Occident », sorti aux Editions de Paris, nous avons tenu à rencontrer Elie Arié ; voici l’interview qu’il nous a accordée.
Je vous livre ici deux passages assez représentatifs du paradigme d’Elie Arié sur la mondialisation, et sur l’avenir de la France dans celle-ci. Le premier extrait concerne l’Union Européenne :
« Mais avec la mondialisation et la construction de cet OPNI (Objet Politique Non Identifié) qu’est l’Union Européenne, tout a changé : lorsque la loi du marché prend le pas sur les lois nationales, lorsque la majorité de celles-ci ne sont que des transpositions obligatoires de directives de la Commission Européenne de Bruxelles, lorsque le fédéralisme se renforce au point de constituer ce qu’Hubert Védrine nomme fort justement “la société post-démocratique”, lorsque des accords tels que le protocole de Barcelone amènent certains leaders à tenir dans l’Hexagone des propos rigoureusement incompatibles avec les engagements qu’ils prennent lorsqu’ils en sortent, lorsque la marge de manœuvre des politiques se trouve ainsi réduite comme peau de chagrin, leurs discours (comme ceux de Sarkozy / Gaino sur les nécessaires “moralisation du capitalisme” ou “réindustrialisation de la France”) apparaissent comme totalement incapable d’embrayer sur une quelconque réalité. »
Le second passage concerne les formes de luttes et de contestation :
« Alors, les luttes sociales étant vouées à l’échec, reste l’espoir d’une révolution ; espoir à première vue logique [...]. Seulement, voilà : force est de constater que “ça n’explose pas”, même chez les plus touchés (Grèce, Irlande, Portugal, Espagne, Grande-Bretagne). [...]
Or, aujourd’hui, il n’existe aucun projet alternatif. Contre qui se révolter ? Comment se révolter contre un système mondialisé sans gouvernants politiques mondiaux ? Pour le remplacer par quoi ? Avec qui, les centaines de millions de Chinois, d’Indiens, et tant d’autres, sortis pour la première fois de leur misère, n’étant pas disposés à se battre pour le retour à “l’avant, c’était mieux” ? Au nom de quoi : comment s’attaquer à la mondialisation en se référant à Karl Marx, qui l’avait prévue dès 1848 et annoncée non seulement comme inévitable et irréversible, mais aussi comme souhaitable en tant qu’étape préliminaire incontournable pour conduire à la fin du capitalisme ?
[...] Il ne reste donc aujourd’hui qu’un sentiment d’indignation résignée, faute de pouvoir déboucher sur des perspectives d’action réalistes. [...] L’impasse est totale, nous le savons tous ; mais il ne faut pas surtout pas le dire, encore moins l’écrire… Sans doute le seul moyen d’en sortir réside-t-il non pas dans l’action, qui ne fait qu’accumuler des échecs depuis 20 ans, mais dans un effort conceptuel préalable. »
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