« La campagne serait soigneusement cultivée, le chanvre et la soie seraient filés avec amour, gouvernants et gouvernés auraient tout en suffisance, et tous les problèmes seraient résolus. »
La leçon des gouvernés aux gouvernants continuent à la cour de l'Empereur de Chine. Voici le 10ème chapitre de ce passionnant débat, vieux de plus de 2 000 ans, mais si rafraichissant en cette période de campagne électorale déplorable...
LES EAUX ET FORETS DE L'EMPIRE
La leçon des gouvernés aux gouvernants continuent à la cour de l'Empereur de Chine. Voici le 10ème chapitre de ce passionnant débat, vieux de plus de 2 000 ans, mais si rafraichissant en cette période de campagne électorale déplorable...
Aux confins de l'univers.
LE GRAND SECRÉTAIRE. - Le seigneur dont le fief est comme une exploitation familiale n'a que la charge de la gestion domestique. L'empereur, en revanche, dont le domaine s'étend jusqu'aux confins de l'univers, a des préoccupations internationales. Il est clair que les dépenses qu'exige l'entretien d'un manoir sont dérisoires en comparaison des frais immenses entraînés par la gestion de l'Empire. C'est la raison pour laquelle le gouvernement a créé les domaines, les étangs impériaux et instauré le monopole sur les ressources des montagnes et des mers, s'assurant ainsi des recettes supplémentaires. Nous avons amélioré le système des canaux d'irrigation, assis sur des bases solides tous les secteurs agricoles en étendant les terres arables et les pâturages, et en développant les parcs de chasse. L'intendant des Écuries, le ministre des Eaux et Forêts, l'intendant de la Cassette privée de l'empereur et le ministre de l'Agriculture sont chargés de collecter les revenus provenant de la culture et de l'élevage, de percevoir le montant des locations des étangs enclos. Jusqu'aux confins septentrionaux de l'Empire on a nommé des super-intendants de l'Agriculture afin de faire face aux différentes dépenses, et pourtant le déficit n'a pu être comblé. À présent, vous voudriez supprimer ces institutions et tarir la source de revenus de l'État, jetant ainsi le peuple du haut en bas de l'échelle et dans le dénuement ? Même avec une politique d'économies draconiennes, comment pourrions-nous nous en sortir ?
C'est le peuple qui pâtit.
LES LETTRÉS. - Avec les fonctionnaires inutiles, les grands travaux superflus, les changements de mode, le luxe et la prodigalité, innombrables sont ceux qui sont vêtus et nourris aux frais de l'État sans l'avoir mérité. Voilà pourquoi les classes supérieures connaissent l'indigence et les classes inférieures la misère totale. À présent, vous voulez venir en aide aux activités subsidiaires sans porter atteinte au secteur fondamental : mais, en mettant sur pied des organismes susceptibles de rapporter de l'argent au Trésor, en créant des champs et des pâturages, l'État concurrence les paysans dans la production de fourrage, dispute aux marchands leurs bénéfices commerciaux. Est-ce ainsi que vous pensez manifester la vertu de votre prince et administrer l'État ? Labourage et tissage sont les deux mamelles de l'Empire. Les anciens divisèrent les terres et les répartirent entre le peuple, lui donnant des champs à cultiver afin que chacun trouve à s'employer. Ainsi, il n'y avait pas de terre qui ne nourrît son homme, ni d'homme qui ne labourât son lopin de terre.
Or, depuis que le gouvernement a créé des parcs de chasse, défriché des champs publics, aménagé des étangs et des marais, tout le bénéfice que l'État, en principe, devait tirer de la location des domaines, est revenu aux grandes familles. Les environs de la capitale se trouvent resserrés entre les monts Houashan et le fleuve Jaune. Cette plaine exiguë est déjà surpeuplée ; avec les gens qui y affluent des quatre coins de l'Empire, le grain et le combustible manquent. Les ventes ou les locations des champs publics ont fait baisser la production du mûrier, des bois de construction, des fruits et des légumes, et la terre n'est plus cultivée à plein rendement. Nous ne pouvons que désapprouver une telle politique. Quand feu l'empereur a ouvert les réserves impériales, creusé les étangs enclos, ceux-ci auraient dû être distribués au peuple moyennant le versement d'un impôt, l'État percevant les taxes mais n'en ayant pas la gestion. En effet, location et impôts désignent sous des noms différents une seule et même réalité. Mais si on les leur avait laissés, les paysans se seraient consacrés de toutes leurs forces aux travaux des champs et les tisserandes se seraient appliquées à leur métier. La campagne serait soigneusement cultivée, le chanvre et la soie seraient filés avec amour, gouvernants et gouvernés auraient tout en suffisance, et tous les problèmes seraient résolus.
Or, depuis que le gouvernement a créé des parcs de chasse, défriché des champs publics, aménagé des étangs et des marais, tout le bénéfice que l'État, en principe, devait tirer de la location des domaines, est revenu aux grandes familles. Les environs de la capitale se trouvent resserrés entre les monts Houashan et le fleuve Jaune. Cette plaine exiguë est déjà surpeuplée ; avec les gens qui y affluent des quatre coins de l'Empire, le grain et le combustible manquent. Les ventes ou les locations des champs publics ont fait baisser la production du mûrier, des bois de construction, des fruits et des légumes, et la terre n'est plus cultivée à plein rendement. Nous ne pouvons que désapprouver une telle politique. Quand feu l'empereur a ouvert les réserves impériales, creusé les étangs enclos, ceux-ci auraient dû être distribués au peuple moyennant le versement d'un impôt, l'État percevant les taxes mais n'en ayant pas la gestion. En effet, location et impôts désignent sous des noms différents une seule et même réalité. Mais si on les leur avait laissés, les paysans se seraient consacrés de toutes leurs forces aux travaux des champs et les tisserandes se seraient appliquées à leur métier. La campagne serait soigneusement cultivée, le chanvre et la soie seraient filés avec amour, gouvernants et gouvernés auraient tout en suffisance, et tous les problèmes seraient résolus.
Le Grand Secrétaire reste silencieux, il lance un coup d'œil au Premier ministre, puis à son assistant.
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