C'est la haute fustige envers le pouvoir établi... Les Sages remettent les dirigeants à leur place, lorsqu'il s'agit de corruption : « [...] Si vous voulez que les fonctionnaires soient honnêtes, commencez par vous-mêmes. La cause de la cupidité des fonctionnaires n'est pas à chercher en bas, mais en haut. La morale n'est pas faite par le peuple, mais par ceux qui le dirigent. »
Nous pouvons mesurer à quel point nous sommes (hélas) loin de cette réflexion, à propos de la répression : « Quand les grands officiers ou les ministres appliquaient un châtiment, ils ne pouvaient s'empêcher d'être émus et, bien que la peine fût méritée, ils examinaient encore s'il n'existait pas une des trois causes de pardon, et ne procédaient à l'exécution de la peine qu'en soupirant. Car ils avaient honte de n'avoir pu réformer le criminel et se désolaient de son imperfection. »
Le Grand Secrétaire se fait clacher, et sa langue de bois ne lui est d'aucun secours...
DE LA CORRUPTION
Du supérieur à l'inférieur.
LE GRAND SECRÉTAIRE. - Plus les médecins sont incompétents et plus ils veulent qu'on leur prodigue des remerciements, de même que pires sont les fonctionnaires et plus ils dépouillent les populations. Les plus hauts placés exploitent leurs inférieurs et ces derniers se revanchent sur le peuple. C'est pourquoi ce n'est pas du manque de discernement dans le choix du personnel que souffre notre administration, mais des exigences des fonctionnaires. Non que leurs salaires soient trop bas, mais parce qu'il n'y a pas de limite à leurs revendications.
Les systèmes de rémunération.
LES SAGES. - Le vieux système de rémunération des fonctionnaires était le suivant : les postes de grands officiers et de ministres permettaient d'entretenir dans l'aisance des sages et des clercs. Les revenus que procurait le titre de gentilhomme donnaient à son détenteur et à sa famille tous les biens dont ils avaient besoin. Les roturiers qui avaient une charge dans l'administration recevaient une somme correspondante aux revenus d'un laboureur et pouvaient en vivre décemment. Mais, de nos jours, les émoluments des fonctionnaires subalternes sont bien maigres : ceux qui, au titre de la corvée, doivent se rendre jusque dans les trois districts de la capitale, au centre du Shensi, où le riz est cher, sont réduits à la portion congrue au point qu'ils ont à peine de quoi payer leurs vêtements et leur nourriture ; que survienne un accident quelconque, et ils doivent vendre leurs biens et leurs terres. Mais il n'y a pas que cela : les chefs de la corvée se mettent des bâtons dans les roues, les bureaux des préfectures exercent sur eux des pressions, et les comptables des préfectures ou commanderies exercent leur tyrannie sur les fonctionnaires subalternes. Tous les moyens leur sont bons pour tirer des bénéfices. Les grands fonctionnaires demandent des pots-de-vin. La préfecture pressure la sous-préfecture, qui à son tour profite du canton. Et où le canton pourrait-il prendre ce qu'on lui demande ? Un dicton ne dit-il pas : « Les exactions se répercutent vers le bas, comme l'eau suit toujours la ligne de plus grande pente ; jamais ce flux ne s'épuise, jamais il ne s'arrête. » Aujourd'hui, nous voyons de grands fleuves et de larges rivières abreuver la mer immense. L'océan recueille leurs eaux et ils veulent que les ruisseaux et les torrents leur cèdent la leur ; c'est pourquoi, dans les circonstances actuelles, il est exclu que les fonctionnaires soient intègres. Si l'on veut que l'ombre soit droite, il faut redresser le cadran solaire, si vous voulez que les fonctionnaires soient honnêtes, commencez par vous-mêmes. La cause de la cupidité des fonctionnaires n'est pas à chercher en bas, mais en haut. La morale n'est pas faite par le peuple, mais par ceux qui le dirigent.
Une affaire de caractère.
LE GRAND SECRÉTAIRE. - Bonté et méchanceté dépendent de la nature de chacun, de même que la cupidité et la bassesse sont affaires de caractère. Le sage cultive sa propre vertu à l'intérieur de lui-même ; mais il ne peut rien pour changer ses semblables. Aujourd'hui, vous vous permettez de nous critiquer sur toute chose, mais comment pourrions-nous agir si vous nous liez les pieds et les mains ?
Le cheval et le palefrenier.
LES SAGES. - Quand le cheval est rétif, la faute en revient au palefrenier ; quand le peuple est frondeur, la faute en revient aux gouvernants. Les Annales des printemps et des automnes n'adressaient pas leurs critiques au menu peuple mais aux hommes politiques. Quand les grands officiers ou les ministres appliquaient un châtiment, ils ne pouvaient s'empêcher d'être émus et, bien que la peine fût méritée, ils examinaient encore s'il n'existait pas une des trois causes de pardon, et ne procédaient à l'exécution de la peine qu'en soupirant. Car ils avaient honte de n'avoir pu réformer le criminel et se désolaient de son imperfection. Quand un gouvernement ne dispense pas l'éducation d'une manière lumineuse, le peuple trébuche et tombe à chaque pas sans personne pour l'aider à se relever ; il est comme un nourrisson au bord d'un puits, dont on attendrait la chute les bras croisés. Si le prince se conduit de cette façon à l'égard de ses sujets, peut-on encore l'appeler père et mère du peuple ? Un monarque doit porter toute son attention sur la diffusion de la morale et se montrer circonspect dans tout ce qui touche aux châtiments. Pour un criminel châtié, il en réforme cent ; une seule exécution capitale donne à réfléchir à dix mille. Après un châtiment exemplaire, le peuple se conforme aux rites et observe ses devoirs. Les supérieurs modèlent leurs sujets, comme le vent courbe les herbes. Nul n'échappe à leurs enseignements. En quoi essayons-nous de vous entraver ?
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