« Ce que doivent rechercher les interlocuteurs d'un débat, c'est de
convaincre par la justesse de leurs arguments et non pas de l'emporter
sur leur adversaire. L'homme de bien n'éprouve aucune honte à s'incliner
devant la raison. Toute discussion perd son intérêt si l'une des
parties cherche à brouiller les cartes ou à dérouter l'autre par des
raisonnements spécieux et si chaque camp met son point d'honneur à avoir
le dernier mot. »
Tout est dit...
RÉPLIQUES ACERBES SUR LA LOI ET LES RITES
Vos principes tortueux.
LE SECRÉTAIRE DU PREMIER MINISTRE. - Comme l'a dit un jour le sage Yan Zi : « Les confucéens sont des gens qui parlent d'autant plus qu'ils agissent moins ; passionnés par la musique autant qu'ils se désintéressent du peuple ; prolongeant l'ascèse des deuils jusqu'à mettre leur vie en péril et se ruinant en de somptueuses funérailles ; prônant des rites si compliqués qu'on ne peut les mettre en pratique et des principes si tortueux que nul ne peut les suivre ; célébrant un passé à jamais révolu pour mieux cracher sur le présent ; dénigrant tout ce qu'ils ont sous les yeux pour exalter la grandeur de ce qu'ils ne connaissent que par ouï-dire. » Ces hommes tiennent la nature humaine pour profondément corrompue et se posent comme parangons de toutes les vérités.
La musique adoucit les mœurs.
LES LETTRÉS. - Confucius a dit, à propos des rites : « Dans les cérémonies, la simplicité vaut mieux que le faste ; dans le cas précis des rites funéraires, une douleur vraie vaut mieux que leur stricte observance. » Il n'était certes pas dans l'intention de ceux qui ont institué les rites de mettre des vies en danger ni l'économie en péril ! Comment la noblesse du maintien et la dignité des manières pourraient-elles constituer une menace contre la civilité et la morale ? Les rites sont un garde-fou contre le relâchement de la morale ; la musique adoucit les mœurs. Lorsque les rites sont respectés et que la musique est correcte, les châtiments frappent juste. De même que les digues protègent contre les inondations, de même les rites et la morale mettent le peuple à l'abri des révolutions et des soulèvements. Existe-t-il un gouvernement digne de ce nom qui laisserait tomber en désuétude les rites et la morale et n'entretiendrait pas les digues et les barrages ? Un État bien gouverné prend soin des rites ; un État aux abois brandit les foudres de la loi. Rappelez-vous comment la chute de Ts'in, après que son prince eut soumis tout l'Empire par la force des armes, fut précipitée par les agissements monstrueux de ses deux ministres, Li Sseu et Zhao Gao ! N'avaient-ils pas rejeté des principes politiques éprouvés depuis des millénaires, supprimé les coutumes antiques pour ne plus se fier qu'à la rigueur implacable de la loi ? Le moïsme et le confucianisme étaient bannis. On barrait la voie aux sages, on bâillonnait l'opposition. Seuls les flagorneurs pouvaient s'exprimer et le souverain n'entendait pas une voix critique pour l'éclairer sur ses fautes. Telles sont les raisons de l'effondrement de la dynastie des Ts'in. Quant à vous, les hauts dignitaires, songez-vous seulement à corriger votre ligne politique ? Vous n'êtes que des flatteurs et des opportunistes qui sentez le vent. Quelle rage pour nous de voir la bassesse et la servilité des médiocres conforter leurs maîtres dans leurs errements ! Mais nos paroles dussent-elles nous coûter la vie, nous nous refuserons toujours à cautionner de vils flagorneurs de votre espèce ! Allez, mettez-nous les fers !
Dangereuse insinuation.
LE SECRÉTAIRE DU PREMIER MINISTRE. - Les genévriers poussent en bosquet, les joncs forment des buissons, qui se ressemble s'assemble. « La vertu ne reste jamais seule, elle est toujours en compagnie », a dit Confucius. Je n'ai jamais entendu dire qu'il y eût de bons princes entourés de mauvais ministres. Notre feu souverain, lorsqu'il prit en main le sort du pays, voulut s'engager dans la voie de la charité et de la vertu : il fit appel aux lettrés les plus capables et les plus vertueux, ne confiant des postes qu'à des fonctionnaires charitables, châtiant impitoyablement les serviteurs déloyaux, n'épargnant même pas les familiers du trône. Lorsque vous parlez de vils flagorneurs de notre espèce, est-ce que vous insinuez que nous sommes les courtisans d'un monarque égaré ?
La vertu et le conseil.
LES LETTRÉS. - Gao Yao a répondu à Chouen : « La clef de tout réside dans la connaissance des hommes, connaissance difficile, même pour un empereur. » Lorsque l'univers fut durement touché par des inondations, Yao, désolé, ne sut que faire. Dès qu'il se fut assuré les services de Choun et de Yu, tout rentra dans l'ordre. Ce qui montre que la vertu d'un monarque, fût-il aussi éclairé que le grand Yao, ne peut se répandre sans le concours de sages conseillers, tels Choun et Yu. À maintes reprises, les Annales des printemps et des automnes ont déploré qu'il n'y eût pas de ministres pour seconder le souverain. Sous le règne de notre dernier monarque, en raison du manque de bons administrateurs, les mauvais conseillers avaient le champ libre. Sitôt que Choun et Yu entrèrent en fonction, le sinistre Gun fut dépecé et Huandou banni. Le proverbe dit bien : « On ne sait pas reconnaître les ministres félons tant que l'on n'a pas rencontré l'homme de bien », ou encore, en d'autres termes, le Livre des odes : « Loin du juste mon cœur s'afflige, près de lui mon cœur s'apaise. »
Deux expériences funestes.
LE SECRÉTAIRE DU PREMIER MINISTRE. - Vous dites que le souverain doit chercher ses collaborateurs jusque parmi les hommes du commun ? Yan Yi était simple officier de police de Ts'inan. Feu l'empereur, l'ayant remarqué, lui donna un poste important et il gravit tous les échelons jusqu'au rang de ministre. Quant à Ji Shan, qui était d'origine plébéienne, il devint conseiller de l'empereur. Une fois à la tête de l'administration centrale, non seulement ils se montrèrent l'un et l'autre incapables d'assumer leurs fonctions, mais, s'étant rendus coupables du crime de lèse-majesté, ils furent exécutés avec toute la rigueur de la loi. La vertu est récompensée et le vice est puni comme il convient. De quoi vous plaignez-vous, messieurs les lettrés ?
Rage de l'honnête homme.
LES LETTRÉS. - Ce que doivent rechercher les interlocuteurs d'un débat, c'est de convaincre par la justesse de leurs arguments et non pas de l'emporter sur leur adversaire. L'homme de bien n'éprouve aucune honte à s'incliner devant la raison. Toute discussion perd son intérêt si l'une des parties cherche à brouiller les cartes ou à dérouter l'autre par des raisonnements spécieux et si chaque camp met son point d'honneur à avoir le dernier mot. Confucius a exprimé sa rage devant l'impossibilité où se trouve l'honnête homme de servir son prince dans une cour de médiocres. Que l'un d'entre eux trouve l'oreille de son maître et nul ne sait jusqu'où il est capable d'aller. Quant à vous, qui bafouez le droit et la morale pour voler au secours de vos supérieurs, épousant servilement leurs erreurs et sacrifiant l'avenir du pays à votre opportunisme, si vous n'étiez qu'un fonctionnaire subalterne, vous auriez déjà subi les plus lourds châtiments. Vous feriez mieux de vous tenir coi !
Des tares impardonnables.
LE SECRÉTAIRE DU PREMIER MINISTRE. - Les érudits qui n'ont pas de fonction publique ne devraient manquer ni de vêtements pour couvrir leur corps, ni de nourriture pour satisfaire leurs besoins et ceux de leurs proches. Ils devraient procurer l'aisance à leur famille sans rien devoir à une aide extérieure. S'ils savaient se régler eux-mêmes, ils pourraient administrer une maison ; s'ils savaient administrer une maison, ils pourraient assumer des responsabilités dans l'État. Le misérable qui ne se nourrit que de gruau n'est pas qualifié pour parler de piété filiale. Celui dont les enfants et la femme meurent de faim et tremblent de froid n'a pas le droit de parler de charité, et qui n'a pas de situation stable est prié de s'abstenir de discourir sur les questions importantes. Quant à vous qui cumulez ces trois tares et osez vous occuper des affaires politiques, vous feriez bien aussi de vous taire !
Tout est dit...
Vos principes tortueux.
LE SECRÉTAIRE DU PREMIER MINISTRE. - Comme l'a dit un jour le sage Yan Zi : « Les confucéens sont des gens qui parlent d'autant plus qu'ils agissent moins ; passionnés par la musique autant qu'ils se désintéressent du peuple ; prolongeant l'ascèse des deuils jusqu'à mettre leur vie en péril et se ruinant en de somptueuses funérailles ; prônant des rites si compliqués qu'on ne peut les mettre en pratique et des principes si tortueux que nul ne peut les suivre ; célébrant un passé à jamais révolu pour mieux cracher sur le présent ; dénigrant tout ce qu'ils ont sous les yeux pour exalter la grandeur de ce qu'ils ne connaissent que par ouï-dire. » Ces hommes tiennent la nature humaine pour profondément corrompue et se posent comme parangons de toutes les vérités.
La musique adoucit les mœurs.
LES LETTRÉS. - Confucius a dit, à propos des rites : « Dans les cérémonies, la simplicité vaut mieux que le faste ; dans le cas précis des rites funéraires, une douleur vraie vaut mieux que leur stricte observance. » Il n'était certes pas dans l'intention de ceux qui ont institué les rites de mettre des vies en danger ni l'économie en péril ! Comment la noblesse du maintien et la dignité des manières pourraient-elles constituer une menace contre la civilité et la morale ? Les rites sont un garde-fou contre le relâchement de la morale ; la musique adoucit les mœurs. Lorsque les rites sont respectés et que la musique est correcte, les châtiments frappent juste. De même que les digues protègent contre les inondations, de même les rites et la morale mettent le peuple à l'abri des révolutions et des soulèvements. Existe-t-il un gouvernement digne de ce nom qui laisserait tomber en désuétude les rites et la morale et n'entretiendrait pas les digues et les barrages ? Un État bien gouverné prend soin des rites ; un État aux abois brandit les foudres de la loi. Rappelez-vous comment la chute de Ts'in, après que son prince eut soumis tout l'Empire par la force des armes, fut précipitée par les agissements monstrueux de ses deux ministres, Li Sseu et Zhao Gao ! N'avaient-ils pas rejeté des principes politiques éprouvés depuis des millénaires, supprimé les coutumes antiques pour ne plus se fier qu'à la rigueur implacable de la loi ? Le moïsme et le confucianisme étaient bannis. On barrait la voie aux sages, on bâillonnait l'opposition. Seuls les flagorneurs pouvaient s'exprimer et le souverain n'entendait pas une voix critique pour l'éclairer sur ses fautes. Telles sont les raisons de l'effondrement de la dynastie des Ts'in. Quant à vous, les hauts dignitaires, songez-vous seulement à corriger votre ligne politique ? Vous n'êtes que des flatteurs et des opportunistes qui sentez le vent. Quelle rage pour nous de voir la bassesse et la servilité des médiocres conforter leurs maîtres dans leurs errements ! Mais nos paroles dussent-elles nous coûter la vie, nous nous refuserons toujours à cautionner de vils flagorneurs de votre espèce ! Allez, mettez-nous les fers !
Dangereuse insinuation.
LE SECRÉTAIRE DU PREMIER MINISTRE. - Les genévriers poussent en bosquet, les joncs forment des buissons, qui se ressemble s'assemble. « La vertu ne reste jamais seule, elle est toujours en compagnie », a dit Confucius. Je n'ai jamais entendu dire qu'il y eût de bons princes entourés de mauvais ministres. Notre feu souverain, lorsqu'il prit en main le sort du pays, voulut s'engager dans la voie de la charité et de la vertu : il fit appel aux lettrés les plus capables et les plus vertueux, ne confiant des postes qu'à des fonctionnaires charitables, châtiant impitoyablement les serviteurs déloyaux, n'épargnant même pas les familiers du trône. Lorsque vous parlez de vils flagorneurs de notre espèce, est-ce que vous insinuez que nous sommes les courtisans d'un monarque égaré ?
La vertu et le conseil.
LES LETTRÉS. - Gao Yao a répondu à Chouen : « La clef de tout réside dans la connaissance des hommes, connaissance difficile, même pour un empereur. » Lorsque l'univers fut durement touché par des inondations, Yao, désolé, ne sut que faire. Dès qu'il se fut assuré les services de Choun et de Yu, tout rentra dans l'ordre. Ce qui montre que la vertu d'un monarque, fût-il aussi éclairé que le grand Yao, ne peut se répandre sans le concours de sages conseillers, tels Choun et Yu. À maintes reprises, les Annales des printemps et des automnes ont déploré qu'il n'y eût pas de ministres pour seconder le souverain. Sous le règne de notre dernier monarque, en raison du manque de bons administrateurs, les mauvais conseillers avaient le champ libre. Sitôt que Choun et Yu entrèrent en fonction, le sinistre Gun fut dépecé et Huandou banni. Le proverbe dit bien : « On ne sait pas reconnaître les ministres félons tant que l'on n'a pas rencontré l'homme de bien », ou encore, en d'autres termes, le Livre des odes : « Loin du juste mon cœur s'afflige, près de lui mon cœur s'apaise. »
Deux expériences funestes.
LE SECRÉTAIRE DU PREMIER MINISTRE. - Vous dites que le souverain doit chercher ses collaborateurs jusque parmi les hommes du commun ? Yan Yi était simple officier de police de Ts'inan. Feu l'empereur, l'ayant remarqué, lui donna un poste important et il gravit tous les échelons jusqu'au rang de ministre. Quant à Ji Shan, qui était d'origine plébéienne, il devint conseiller de l'empereur. Une fois à la tête de l'administration centrale, non seulement ils se montrèrent l'un et l'autre incapables d'assumer leurs fonctions, mais, s'étant rendus coupables du crime de lèse-majesté, ils furent exécutés avec toute la rigueur de la loi. La vertu est récompensée et le vice est puni comme il convient. De quoi vous plaignez-vous, messieurs les lettrés ?
Rage de l'honnête homme.
LES LETTRÉS. - Ce que doivent rechercher les interlocuteurs d'un débat, c'est de convaincre par la justesse de leurs arguments et non pas de l'emporter sur leur adversaire. L'homme de bien n'éprouve aucune honte à s'incliner devant la raison. Toute discussion perd son intérêt si l'une des parties cherche à brouiller les cartes ou à dérouter l'autre par des raisonnements spécieux et si chaque camp met son point d'honneur à avoir le dernier mot. Confucius a exprimé sa rage devant l'impossibilité où se trouve l'honnête homme de servir son prince dans une cour de médiocres. Que l'un d'entre eux trouve l'oreille de son maître et nul ne sait jusqu'où il est capable d'aller. Quant à vous, qui bafouez le droit et la morale pour voler au secours de vos supérieurs, épousant servilement leurs erreurs et sacrifiant l'avenir du pays à votre opportunisme, si vous n'étiez qu'un fonctionnaire subalterne, vous auriez déjà subi les plus lourds châtiments. Vous feriez mieux de vous tenir coi !
Des tares impardonnables.
LE SECRÉTAIRE DU PREMIER MINISTRE. - Les érudits qui n'ont pas de fonction publique ne devraient manquer ni de vêtements pour couvrir leur corps, ni de nourriture pour satisfaire leurs besoins et ceux de leurs proches. Ils devraient procurer l'aisance à leur famille sans rien devoir à une aide extérieure. S'ils savaient se régler eux-mêmes, ils pourraient administrer une maison ; s'ils savaient administrer une maison, ils pourraient assumer des responsabilités dans l'État. Le misérable qui ne se nourrit que de gruau n'est pas qualifié pour parler de piété filiale. Celui dont les enfants et la femme meurent de faim et tremblent de froid n'a pas le droit de parler de charité, et qui n'a pas de situation stable est prié de s'abstenir de discourir sur les questions importantes. Quant à vous qui cumulez ces trois tares et osez vous occuper des affaires politiques, vous feriez bien aussi de vous taire !
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